À seulement dix-neuf ans, Ilona Mezzadri s'affirme parmi les meilleures jeunes cavalières françaises. Après des débuts remarqués à poney avec deux médailles de bronze aux championnats d’Europe en 2019, elle réalise une transition réussie à cheval et participe aux championnats d'Europe Junior en 2021 et 2022. L’année dernière, pour sa première année en Jeunes cavaliers, elle aide la France à remporter la Coupe des nations de Compiègne, une performance qu'elle réitère en 2024. Ses succès la conduisent à élire domicile, en novembre dernier, au sein des écuries d’Eugénie Angot. Déterminée et ambitieuse, elle jongle aujourd’hui entre ses études et sa carrière équestre, avec pour objectif de s'imposer parmi l’élite.
Vous avez intégré en novembre dernier les écuries d’Eugénie Angot. Quelles ont été les motivations derrière cette décision ?
Cela faisait dix ans que j’étais dans la même écurie (écuries de la Clémenterie, ndlr). Pour continuer d’évoluer, il était important que je change d’environnement. Cette nouvelle structure m’apporte un cadre très professionnel. Eugénie Angot a toute l’expérience des championnats et des grands concours. Elle est capable de me former sur des épreuves plus importantes et de très bien me préparer aux différentes échéances. J’apprécie tout particulièrement sa méthode de travail, où rien n’est laissé au hasard. Le programme des séances des différents chevaux est très précis. Je sais toujours quel axe je dois travailler avec quel cheval. Elle m’apprend également à devenir autonome, en me laissant partir seule en concours quand elle juge que cela est nécessaire. Nous avons une véritable relation de confiance avec Eugénie ; j’ai l’impression que nous travaillons ensemble depuis plusieurs années. Par ailleurs, c’était important d’intégrer les écuries au début de l’hiver, afin d’avoir du temps pour préparer ma saison et travailler les points techniques sur lesquels j’avais des lacunes.
Comment se déroule votre saison ?
Pour l’instant, la saison se passe extrêmement bien. La Coupe des nations de Compiègne représentait l’étape de milieu de saison. Ce concours m’a permis de faire le point sur ce qui allait ou non pour les chevaux et pour moi. J’ai présenté dans le Grand Prix mon deuxième cheval, Arcy Fou (Ogano Sitte x Orlando), avec qui j’ai réalisé un sans-faute et été classée cinquième. Il revenait d’une blessure d’un an. Ce résultat m’a confortée dans l’idée qu’il peut être prêt pour les championnats d’Europe en juillet. Avec la belle performance de mon autre cheval, Diamond’s Dream (Canabis x Quincy), dans la Coupe des nations, je sais que j’ai deux chevaux sur lesquels je peux compter cette saison. J’ai une autre jument, Charlotta H (Connor x Clearway), avec qui j’ai commencé les concours en début d’année. Elle a davantage d’expérience, et je l’espère, sera prête pour enchaîner les plus grosses épreuves cet été. L’objectif est de continuer à être classée jusqu’au niveau 3* et, à long terme, d’être performante avec mes trois chevaux sur 1,50m. En parallèle, j’essaie de me professionnaliser davantage en développant la partie jeunes chevaux. Pour cela, je peux compter sur Chalambo PS (Chacoon Blue x Baloubet du Rouet), un cheval de sept ans.
“Je me rends aux écuries tous les jours pour passer le plus de temps possible avec mes chevaux”
Quelle relation entretenez-vous avec vos chevaux ?
Je suis très proche de mes chevaux. Les quatre m’appartiennent, nous les avons achetés avec mes parents lorsqu’ils étaient jeunes, à l’exception de Charlotta H. Je me rends aux écuries tous les jours pour passer le plus de temps possible avec eux. Je les fais travailler, je les sors au paddock et je m’occupe des différentes tâches aux écuries. Prendre soin d’eux est important, d’abord parce qu'avant le sport, c’est la passion pour l’animal qui m’a projetée dans le milieu de l’équitation, mais aussi parce que passer du temps avec eux me permet ensuite d’être performante en piste. En étant à leur contact si souvent, je peux tout analyser et faire attention au moindre détail. Ce qui est essentiel, car ce sont des chevaux atypiques. Les personnes qui m’entourent et mes coachs m’aident beaucoup dans cela au quotidien.
Au-delà de votre nouvelle coach Eugénie Angot, quelles sont les autres personnes qui vous accompagnent dans votre quotidien ?
Je peux compter sur une deuxième coach, Alizee Wauthier, qui vient m’aider en dressage une fois par semaine. J’ai un groom, qui m’accompagne sur les grands concours. Il connaît extrêmement bien mes chevaux et j’ai un très bon rapport de confiance avec lui. Cela me permet d’être focalisée sur la piste le jour du concours. J’ai également des coachs sportifs qui m’aident à m'entraîner physiquement. Le staff est assez restreint, mais bien organisé. Bien sûr, à côté, je peux compter sur mes parents, qui sont très présents. Ils ne sont pas du tout issus du monde du cheval, ils se sont retrouvés entrainés dans ce milieu par ma passion, et depuis petite, ils m’ont toujours soutenue et accompagnée. Ils viennent me voir en concours, m’aident pour tout ce qui est administratif et m’épaulent dans le travail de mon image. J'ai également des amis qui suivent mes résultats et qui sont un soutien mental précieux. C’est le cas notamment des amis que j’ai rencontrés au cours de mes études et avec qui je partage le même quotidien.
Vous réalisez aujourd’hui des études de sciences politiques à Sciences Po Paris. Pourquoi avez-vous décidé de poursuivre vos études ?
À mon âge, quand on n’est pas issu du milieu de l’équitation, se lancer à cent pourcents dans une carrière de cavalière est compliqué. J’avais besoin de continuer à évoluer dans un autre environnement et d’élargir mes compétences et connaissances. Avoir cette obligation de réfléchir, d’avoir un esprit critique et de rencontrer d’autres personnes est très important pour moi. Je sais que je veux faire de l’équitation mon métier, mais je pense que ces études sont un véritable plus pour ma carrière. À court terme, j’apprends à améliorer mon anglais, ce qui est utile pour les concours internationaux. Dans une perspective à cinq ou dix ans, les notions financières que j’étudie m’aideront très certainement dans la potentielle future gestion d’une entreprise. Il sera plus facile d’échanger avec des propriétaires et des clients. Je me dis que, même si aujourd’hui je ne vois pas la différence, à long terme, cela me sera sûrement très utile.
Comment gérez-vous votre double vie d’étudiante et de cavalière ?
Depuis septembre, j’ai intégré une classe pour sportifs de haut niveau. Nous avons un emploi du temps très flexible qui s’adapte à nos impératifs. Personnellement, je préfère monter le matin. Je me rends vers huit heures aux écuries, qui se trouvent en banlieue parisienne. J’habite à mi-chemin entre mon école et les écuries. Je monte entre quatre et cinq chevaux par jour. Ensuite, j’essaie de déjeuner avant de me consacrer à mes cours l’après-midi. Là, il y a deux options possibles. Si j’ai le temps d’aller à l’école dans Paris, je vais suivre les cours sur place, ce qui est l’idéal. Sinon, je suis mes cours en visioconférence. Tous mes enseignements peuvent être suivis à distance. Et si je ne peux pas assister à un cours, j’ai la possibilité de récupérer tous les documents sur un drive. Quant à la validation des différents modules, je peux le faire quand je veux. Cet emploi du temps est très pratique, car cela me laisse du temps pour mon sport, bien plus que l’année dernière, lorsque j’étais en terminale.
“L’état d’esprit joue pour beaucoup dans la réussite”
Estimez-vous qu'il soit plus difficile de faire carrière dans les sports équestres lorsqu'on n'en est pas issu ?
Forcément, il y a des différences. Quand on a une structure, ce n'est pas pareil que quand on est chez quelqu'un, comme c’est mon cas. On ne part pas avec les mêmes bases. Cela étant, j’essaie de m’en préoccuper le moins possible et de me dire qu’on évolue tous dans les mêmes conditions. Je trouve qu’en s’entourant des bonnes personnes et en se donnant les moyens, on peut y arriver. Quand on est jeune, il est essentiel d’avoir des parents pour nous accompagner et nous permettre, comme moi, de mener en parallèle des études. Si on ne fait pas d’études, il faut développer un système rentable et travailler pour quelqu’un. La clé, c’est vraiment la volonté et l’implication dans le travail. Finalement, l’état d’esprit joue pour beaucoup dans la réussite.
Quel est votre état d’esprit aujourd’hui ?
J’essaie de me donner au maximum dans tout ce que j’entreprends, surtout à cheval. J’ai une véritable envie de progresser avec mes chevaux sur des épreuves plus importantes. J’aborde ces défis avec beaucoup de motivation. Quand je me déplace en concours, j’y vais en me disant qu’il faut que je sois performante. Et quand je dois faire face à des échecs ou des déceptions, j’essaie de m’y confronter le plus rapidement possible et de me remettre en question pour être plus opérationnelle les fois suivantes.
Avec toutes les remises en question des sports équestres actuellement, comment envisagez-vous l'avenir de votre discipline dans vingt ans ?
Cette question est très importante et il est nécessaire de se la poser dès maintenant. Pour que les sports équestres continuent à vivre, je pense qu’il est inévitable de mettre en place davantage de contrôles. C’est-à-dire que les muserolles, les éperons et autres matériels soient contrôlés en amont des grosses épreuves. Je ne vois pas d’autres solutions. J’espère vraiment que, dans vingt ans, nous pourrons continuer à pratiquer l’équitation et que ce milieu aura évolué vers un bien-être plus général pour tous les chevaux.
Photo à la Une : Ilona Mezzadri espère s’imposer au sein de l’élite de sa discipline. © Agence Ecary