Aux ventes Fences, J O et Jeu de mots récompensent les efforts de Sophie de Alexandris et Julien Calm
Au milieu des enchères enflammées à l’espace Rozier, lors des dernières ventes Fences Elite, deux éleveurs ont savouré le fruit d’un travail de longue haleine. Il y a trois ans, Sophie de Alexandris et Julien Calm, à la tête de la SARL Fantaisie, ont fait naître J O et Jeu de Mots, deux gris, fils de Cornet Obolensky (ex Windows vh Costersveld) et issus d’une bonne souche maternelle, d’où viennent notamment Dime de la Cour, mais aussi une certaine Utopie Villelongue. Alors que leur activité a failli s’arrêter au milieu des années 2010, elle a depuis pris un nouveau virage et embrasse une dynamique plus saine et porteuse d’espoirs.
Cachés derrière leur SARL Fantaisie, difficile de repérer Sophie de Alexandris et son compagnon, Julien Calm. Discret, le couple ne se distingue même pas par un affixe, préférant baptiser ses protégés avec des noms composés français originaux. “Lorsque j’étais enfant, je voyais Quito de Baussy, Jappeloup*de Luze, etc. Tous ces grands chevaux me faisaient rêver. En arrivant dans la Manche, où j’ai travaillé plusieurs années, j’ai vu tous ces élevages, rattachés à des lieux, d’où ils tiraient leurs affixes. Pour ma part, en ayant traversé la France, je ne me retrouvais pas vraiment dans ce profil-là. Je ne viens pas d’un endroit précis. De ce fait, et pour essayer d’avoir une forme de reconnaissance, grâce à une sorte de thématique reconnaissable, nous avons choisi de nommer nos poulains avec des mots composés français”, explique l’éleveur. Pourtant, passée cette originalité qui fait sourire, la réussite du duo est bien là. Lors des dernières ventes Fences, organisées en parallèle des finales de la Grande Semaine de Fontainebleau, deux produits nés pour le compte de la SARL Fantaisie ont été vendus. Avec le numéro de têtière 3, J O (Cornet Obolensky, ex Windows vh Costersveld x Baloubet du Rouet) a parfaitement lancé les hostilités, mercredi 31 août, en étant cédé pour 50.000 euros, en Belgique. En clôture de la semaine, dimanche, lors de la vente de service, c’est Jeu de Mots (Cornet Obolensky x Quick Star) qui a trouvé preneur pour 34.000 euros.
J O, né chez Sophie de Alexandris et Julien Calm, a été exporté en Belgique lors des dernières ventes Elites Fences. © Les Garennes
“Nous avons vendu J O et Jeu de Mots lorsqu’ils étaient encore foals. Nous nous sommes fixés cette règle pour les mâles : les vendre au sevrage. Cela nous permet de nous concentrer sur les pouliches, que nous essayons de faire saillir une première fois à trois ans avant de les exploiter ensuite. Pour les mâles, nous ne faisons pas une marge énorme, mais c’est relativement facile de les vendre. Il y a moins de risques pour nous. De toute façon, je crois que nous préférons les juments”, reprend Julien, qui verra également l’un de ses produits, Mille Pattes, un frère de Jeu de Mots, défiler pour la vente Fences du 3 octobre prochain. “Nous avons continué à suivre un petit peu J O et Jeu de Mots après les avoir vendus. Nous avons eu quelques messages et une ou deux vidéos lorsqu’ils s’entrainaient au saut en liberté. Nous sommes d’ailleurs allés à Fontainebleau pour voir J O. Nous avons été très contents qu’il se vende ce prix-là. C’est très bien. Nous sommes également ravis pour Jeu de Mots. Il était un peu moins mis en avant, mais je le trouvais super et je l’aime beaucoup. J’adore sa mère également. Il est un peu plus extravagant que J O, mais j’ai l’impression qu’il est aussi un bon cheval.”
Ces deux ventes, bien qu’elles n’aient pas été conclues pour le compte de Sophie de Alexandris et Julien Calm, contribuent à mettre en avant cet élevage à taille humaine, qui s’efforce de trouver un modèle viable et sûr pour poursuivre sa passion.
Le plaisant Jeu de Mots.
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Un tournant professionnel… et équestre
Initialement, rien ne prédestinait Sophie et Julien à devenir éleveurs de chevaux. “Ni Sophie, ni moi ne venons d’une famille de cavaliers ou d’éleveurs. Nous avons commencé, enfants, à monter à cheval en centres équestres”, retrace Julien. “J’ai commencé par fonder une petite écurie de propriétaires, à Toulouse. Cela ne fonctionnait pas très bien, alors je suis allé travailler dans la Manche, où j’ai notamment passé plusieurs années chez Fernand Leredde. Sophie, qui habitait à Aix-en-Provence, était venue passer un été chez Xavier Leredde. Nous nous sommes rencontrés ainsi. Après un an, je l’ai rejointe dans le Sud. En 2007, nous sommes arrivés près d’Alençon, où nous sommes désormais basés. Après avoir vendu l’étalon Ol Metta (Flipper d’Elle x Le Plantero), nous nous sommes dit qu’il serait bien de nous professionnaliser davantage. Je ne sais pas trop d’où nous vient la passion pour l’élevage. Ma première jument était une Pur-Sang, il y a de cela trente ans. Encore aujourd’hui, j’ai des arrières petites filles de cette jument-là. Déjà au centre équestre, je calculais comme je pouvais ce que mangeait un cheval et j’essayais d’élaborer des plans. Forcément, lorsque j’ai travaillé dans la Manche, j’ai rencontré les éleveurs locaux, qui m’ont passionné. J’aimais déjà l’élevage, et cela s’est confirmé. C’était très agréable.”
Les poulinières et poulains profitent des prairies de l’Orne aux beaux jours. © Collection privée
Malgré toute la bonne volonté du monde, la réalité de l’élevage est telle que tous les rêves ne peuvent pas devenir réalité. Au milieu des années 2010, l’activité du couple prend un nouveau tournant et manque de s’arrêter net. “Vers 2014, 2015, nous avons quasiment arrêté l’élevage. Nous avions quelques chevaux de propriétaire et d’élevage, mais c’était difficile”, reconnaît sans détour Julien. “Sophie a alors acheté une pharmacie à Rouen. Je suis resté aux écuries pendant qu’elle gérait l’enseigne. Nous avions conservé les poulinières, mais il n’y avait quasiment plus d’autres chevaux. Bien que nous n’ayons jamais totalement arrêté, nous avons repris une vraie activité d’élevage avec J O, il y a trois ou quatre ans. J’ai toujours voulu travailler dans les chevaux, mais en vieillissant, j’ai réalisé qu’il fallait quelque chose d’autre. Aujourd’hui, les choses sont un peu plus faciles et nous suivons notre plan. Nous faisons saillir nos juments par des étalons connus, puis nous vendons les foals mâles et gardons les femelles. Avant cela, nous vendions ce que nous pouvions vendre et gardions le reste. Ce n’était pas l’idéal.”
J O à ses premières heures de vie, aux côtés de sa mère, Bombe Atomique. © Collection privée
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J O et Jeu de Mots, la confirmation d’une souche qui ne sort pas de nulle part
Avant d’opérer leur grand virage, Sophie et Julien avaient déjà fait naître l’étalon Ol Metta, approuvé à trois ans puis cédé à la famille Nijhof, avant de vagabonder à l’étranger. Avec cette souche, le couple aura également produit Roulé Boulé (Helios de la Cour II) et Arrière Pensée (Diamant de Semilly), elle-même mère de Demi Tour (Quick Star x Diamant de Semilly), qui évolue au Portugal et a concouru jusqu’à 1,50m dans des épreuves intermédiaires en CSI 4*. Parmi les premiers produits made in Fantaisie, citons également Station Service (Helios de la Cour II x Haut de Bellouet), créditée d’un ISO 137 et issue d’une mère Trotteur Français, Vague à l'Âme (Quick Star x Damiro B), bonne performante jusqu’à 1,30m sous selle Amateure, ou encore Beau Goss, son propre frère, vu jusqu’en Grand Prix 2* à 1,45m. Après quelques années de creux, l’élevage de Sophie et Julien est reparti de plus belle, notamment grâce à une souche acquise auprès de Raoul Regnault, à l’origine de l’affixe “de la Cour”.
J O sous la selle.
“La souche de J O et Jeu de Mots, qui partagent la même grand-mère, vient de chez Monsieur Regnault, qui était mon voisin dans la Manche. Il était notamment le naisseur de Major de la Cour (Grand Veneur x Debuche), étalon en Belgique, Crème de la Cour (Gorgechatum, PS x Debuche), qui a participé aux Jeux olympiques de Montréal, Dime de la Cour (Saphir d’Elle x Artichaut), sacrée championne d’Italie, etc. Avec Sophie, nous avons acheté à ce sympathique éleveur une petite pouliche, fille de Calypso d’Herbiers, Kis Miss de La Cour (une soeur utérine de Dime, ndlr), qui est la mère d’Utopie Villelongue (ISO 171, Mylord Carthago), la jument de Max Thirouin. Nous lui avons également acheté des filles de Diamant de Semilly : Parade A La Cour, Quartier d’la Cour, etc, et il nous a donné Serenade A La cour. J’aime bien cette histoire. Nous avons donc conservé une Diamant, Parade, et nous avons vendu la Calypso d’Herbiers. Pendant longtemps, nous avons regretté ce choix, surtout en voyant les performances d’Utopie Villelongue. Et puis, finalement, il semblerait que nous ayons aussi de la qualité de notre côté. Nous avons une fille de Baloubet du Rouet, Bombe Atomique, que nous n’avons pas exploitée, mais qui avait un coup de saut assez spectaculaire. Elle a plusieurs poulains : un Canturo qui tourne en Italie et semble prometteur, J O, qui est super et qui était un beau poulain, gentil et facile, un autre Cornet Obolensky que nous avons vendu en Grèce et qui lui ressemble beaucoup, un grand poulain, noir, avec de l’étendu, très beau et très sympa, et là, elle est de nouveau pleine de Cornet. Nous aimerions bien avoir une pouliche”, détaille l’éleveur. “C’est une belle histoire. Aujourd’hui, et notamment avec l’ICSI, il y a beaucoup de très bonnes souches. Avec de l’argent, elles sont facilement accessibles, du moins plus que par le passé. Avant, les éleveurs étaient assez avares de leurs lignées. Les choses ont un petit peu changé.”
Jeu de Mots a rencontré du succès lors de la vente de service de dimanche soir. © Les Garennes
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Issu de cette même souche, via une autre mère, Abus de Confiance, descendante de Quick Star, Jeu de Mots n’a donc rien à envier à son grand frère. Tous deux devraient avoir l’occasion de s’exprimer sportivement dans les années à venir. “Plusieurs poulains de Parade A La Cour ont été vendus à droite et à gauche. Une fois que nous les avons vendus, il nous est difficile de savoir ce qu’ils deviennent. Malgré tout, nous sommes contents. Il y a une poignée de poulains dont nous avons perdu la trace dans cette souche, et, d’un coup, il y en a deux qui émergent. C’est assez drôle”, complète Julien.
Loup Garou, le propre frère de J O, exporté en Grèce. © Collection privée
Rester motivé
Reparti dans un nouvel élan depuis une poignée d’années, l’élevage de Sophie et Julien est peut-être en passe de connaître ses plus belles heures. En plus de Bombe Atomique et Abus de Confiance, le duo pourra également compter sur Afrique Noire (Diamant de Semilly x Quatoubet du Rouet), descendante de Malika Hauteserre, la première jument de Julien, Thelma du Valdieu (Allegretto x Saphir Rouge II), mais aussi sur l’excellente Percine Dream (Jarnac x Alcamera de Moyon), vue à haut niveau sous les selles de Guy Jonqueres d’Oriola, Juan Ignacio Rojo, et Luca Maria Moneta. De retour en France en 2018, la Selle Français a finalement trouvé un point de chute chez Sophie et Julien pour se consacrer à l’élevage. Un peu délicate, la belle a toutefois donné deux embryons à ses propriétaires, engendrant ainsi Moitié Moitié et Miss France, deux produits de Balou du Rouet. “Nous n’avons pas recours à l’ICSI, mais il nous arrive de faire quelques transferts d’embryons. Nous l’avons déjà fait avec des juments qui faisaient du concours, mais pas beaucoup. Nous avons tenté de faire remplir Percine Dream, une jument gagnante en Grand Prix à Wellington que nous avons récupérée à un âge déjà avancé, deux années de suite. Malheureusement, elle a perdu son poulain à chaque fois. Pour cette raison, nous avons eu recours au transfert d’embryon. Nous n’avons pas réussi à obtenir d’embryon cette année, mais nous avons déjà une pouliche, que nous allons conserver”, développe l’éleveur. “Cette fille de Jarnac n’a pas de souche particulière. Il y a toutefois quelques gagnants dans sa lignée (dont Ariana Dream, vue jusqu’à 1,50m sous bannière espagnole, ndlr). Je connaissais son arrière-grand-mère, qui faisait des concours dans la Manche. Maintenant, comme il y a de plus en plus de chevaux étrangers, je ne connais plus autant les ascendants des poulinières.”
Percine Dream, digne héritière de son père, Jarnac, a donné deux produits à l’élevage de Sophie et Julien. © Sportfot
“Être très passionné peut faire faire des bêtises en élevage. Désormais, je suis peut-être plus raisonnable dans ma passion. On croise les souches, les papiers, pensant bien faire. Mais comme nous aimons le dire avec Sophie : il nous a fallu trente ans pour comprendre qu’il fallait avant tout croiser une bonne jument avec un bon cheval”, conclut Julien Calm. “En étant trop féru de souches maternelles, on peut parfois être amené à faire saillir une jument qui n’est pas terrible, simplement pour son pedigree. Autrefois, je faisais peut-être passer les lignées en premier, alors qu’il faut avant tout regarder la jument en tant que telle. L’élevage et le monde des chevaux ne sont pas toujours faciles. J’espère rester motivé pour la suite. Nous avons de beaux chevaux qui ont été bien vendus, c’est vrai. La qualité de notre jumenterie s’est aussi améliorée. C’est encourageant.”
Miss France, la fille de Percine Dream, représente l’avenir de l’élevage de la SARL Fantaisie. © Collection privée
Photo à la Une : J O à l'obstacle lors des dernières ventes Fences. © Les Garennes
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