Aurélien Leroy, ambitions assumées d’un cavalier très complet (1/2)
En une poignée d’années, Aurélien Leroy est parvenu à se construire un nom et un prénom dans le monde du saut d’obstacles. Parti du complet, à l’aube de ses treize ans, le jeune père de famille, âgé de vingt-neuf ans, a fini par se laisser rattraper par sa passion première. Travailleur, sérieux et complètement investi par son sport, le Castrais nourrit de grandes ambitions, à juste titre. Entouré par une équipe de confiance, des propriétaires désireux de l’accompagner à haut niveau et des entraîneurs avisés, le cavalier du crack Croqsel de Blaignac est prêt à gravir les marches qui le séparent de l’Olympe, sans précipitation et en respectant ses complices à quatre jambes. Portrait.
Il y a un peu plus de quatre ans, Aurélien Leroy décide d’opérer un virage à cent-quatre-vingts degrés dans sa carrière. Alors habitué des terrains de concours complet, le jeune homme abandonne les cross vallonnés et les rectangles de dressage pour se recentrer sur son premier amour : le jumping. “Certaines personnes pensent parfois que j’ai changé de discipline pour l’argent ou parce qu’il y avait quelque chose que j’aimais moins en complet, mais c’est véritablement la passion qui m’a fait aller vers le saut d’obstacles”, assure-t-il. “Lorsque j’étais plus jeune et que j’avais le choix entre regarder une épreuve de complet ou une Coupe du monde le dimanche soir sur Equidia, je choisissais toujours la deuxième option.” À entendre Aurélien Leroy, ce changement coulait de source. Pourtant, le pilote avait fort à perdre. Déjà bien installé dans le paysage du concours complet, sélectionné pour trois championnats d’Europe Jeunes, aperçu sur le réputé terrain de Boekelo et à deux doigts de se confronter aux CCI 5*-L, le Tricolore connaît du succès dans la discipline. “En parallèle du complet, j’ai toujours eu un ou deux chevaux pour faire du saut d’obstacles. En 2018, j’avais disputé le Grand Prix 3* de Montpellier avec mon ancienne jument de complet (Rhexia de Petra, SF, Elan de la Cour x Joyau d'Or, ndlr). J’avais fait un sans-faute et m’étais classé sixième. Cette même année, j’avais fait Boekelo et la finale de la Coupe des nations en complet. En rentrant de Montpellier, j’avais dit à mon entourage que j’avais pris plus de plaisir à faire ce 3* qu’un concours comme Boekelo, qui est déjà magnifique. L’idée de me reconvertir me trottait un peu dans la tête”, développe l’intéressé. “L’année suivante, je devais aller à Badminton. Une semaine avant de partir, mon cheval a déclaré un petit abcès dans le pied. Nous avons donc décidé, avec sa propriétaire, de le commercialiser et le moment était venu de me tourner vers une autre discipline. Cela a fait un peu peur à tout le monde : le changement était risqué et il fallait oser le faire.” Rapidement, le pari est gagné, haut la main.
Du poney club au Grand Prix 5*
Baigné dans l’univers équestre depuis son plus jeune âge, grâce à sa mère, vétérinaire, et son père, cavalier de complet, Aurélien ne met le pied à l’étrier qu’à l’aube de ses treize ans, là où nombre de ses compères arpentent déjà les terrains de compétitions depuis une poignée d’années. Sans attendre bien longtemps, l’alchimie prend et, après avoir goûté aux joies de l’équitation, le jeune garçon, également mordu de moto-cross et de boxe, se destine à une carrière professionnelle. “À la base, ce n’était pas une grande passion. Je faisais cela comme ça, sans ambition particulière. Et puis, après un an de pratique, je me suis dit que je voulais en faire mon métier. L’été de mes dix-sept ans, je suis parti quelques mois en stage chez Pipa et William Funnel, en Angleterre. À mon retour, j’ai ensuite intégré le pôle France Jeunes de Saumur, avant de m’installer à mon compte, en 2011”, résume Aurélien.
Alors à peine âgé de dix-huit ans, le pilote décide de reprendre la structure familiale, les écuries de Corbières, sises près de Castres, dans le Tarn. Depuis le divorce de ses parents, en 2008, les écuries ont été placées en gérance et tout est à refaire. “C’était une petite structure. Il n’y avait pas grand-chose, mais je ne prenais pas beaucoup de risques en essayant. J’avais tout à gagner et rien à perdre. Au fil du temps, j’ai tout changé. Aujourd’hui, nous avons environ quarante boxes. Entre les chevaux d’élevage, de concours, de propriétaires et ceux qui profitent de leur retraite, nous en avons environ quatre-vingts. Nous avons également une partie poney club et sommes sept à travailler sur la structure. Bref, l’écurie est incomparable et il y a désormais trois carrières, une piste en herbe, etc”, savoure avec discrétion et modestie le Tricolore.
Entre temps, Aurélien a honoré trois sélections en équipe de France Jeunes en complet, obtenant des classements à Blair Castle et surtout à Jardy, et participé au Mondial du Lion-d’Angers. Pour sa première année en Senior, le pilote débute au niveau 3*. Trois ans plus tard, en 2017, il remplit son premier objectif en se classant à la fois en CCI 3* et CSI 3*. S’ensuit une reconversion totale vers le saut d’obstacles, avec une réussite impressionnante. En quelques années seulement, le complétiste passe des CSI 3*, débutés avec sa fidèle Rhexia de Petra, qu’il a formée de A à Z et qui l’a conduit de Pompadour, Brahmam et Boekelo jusqu’à Montpellier, Royan ou Oliva, aux terrains 5*.
Travailleur, perfectionniste et homme de cheval
Comme Rome, la réussite d’Aurélien ne s’est pas construite en un jour. Si son ascension vers le sommet semble presque inouïe, tant elle a été fulgurante et efficace, elle est surtout le fruit d’une dévotion sans faille à sa passion. “J’ai beaucoup d’élèves, mais je pense qu’Aurélien est vraiment doué, qu’il a un truc en plus. L’une des grandes qualités de ce garçon est qu’il est très travailleur, perfectionniste et rigoureux. C’est incroyable”, loue Antoine Bache, qui entraîne et soutient l'Occitan depuis près de dix ans dans sa quête vers le haut niveau. “Il respecte beaucoup l’animal et son bien-être. Il veille au confort des chevaux : il n’est pas très friand de grosses embouchures ou d’enrênements et n’est pas dur dans sa façon de faire. Au contraire, il préfère travailler dans la décontraction et le relâchement. Tout cela lui permet de faire bien vieillir ses chevaux. Certaines de ses montures ont eu une double carrière, à la fois en saut d’obstacles et en complet. Aurélien arrive également à faire ressortir la quintessence de ses chevaux. Mais c’est surtout quelqu’un de perfectionniste à mourir. C’est un peu le défaut de sa qualité et il a du mal à être satisfait de lui-même. De temps en temps, j’aimerais le voir sourire davantage quand il fait une belle performance. Il dit toujours qu’il peut faire mieux. Cela souligne son ambition et sa volonté constante de s’améliorer.”
Particulièrement critique envers lui-même, le jeune père de famille, qui s’apprête à devenir papa pour la deuxième fois de sa vie, reconnaît en toute franchise que sa volonté excessive d’approcher la perfection peut parfois lui jouer des tours. “Je me suis rendu compte que cela pouvait me bloquer. Comme le disait Henrik von Eckermann dans une interview, j’ai parfois l’impression que ma vie est finie lorsque tout ne se passe pas bien. Cela me met au plus bas. J’ai du mal à avaler l’échec, mais je travaille sur cela. J’essaye de voir davantage le positif dans mes parcours”, détaille le pilote. “En revanche, avec les chevaux, c’est l’inverse. Je suis toujours hyper enthousiaste et je ne doute jamais de leur qualité. J’axe mon travail sur les qualités des chevaux plutôt que sur leurs défauts, afin de ne pas dégrader leurs points forts. Il m’est plus aisé de citer mes défauts que mes qualités, mais je crois pouvoir dire que je suis travailleur. Personne ne peut me l’enlever.”
Et Antoine Bache de compléter : “À l’heure actuelle, il y a de moins en moins d’Hommes de chevaux. Aurélien en fait partie. Dans le Grand Prix de La Baule, sa réaction a parlé pour lui. Dans l’instant, avec la pression, on ne contrôle pas son comportement. Il a montré le mur à son cheval, l’a caressé et est revenu calmement. Il n’a pas corrigé son cheval, ni jeté l’éponge. Il était forcément déçu, mais je lui ai dit qu’il s’était comporté comme un seigneur. On voit beaucoup de cavaliers utiliser des dizaines de chevaux, qui les usent puis en changent. Ce n’est pas le cas d’Aurélien, qui est un vrai Homme de cheval, chose de plus en plus rare.” Modeste, le Français à l’accent chantant a du mal à accepter d’être l’une des figures montantes du clan tricolore, à l’instar de Mégane Moissonnier, qui honorait sa première sélection en Coupe des nations Séniors à La Baule. “Aujourd’hui, je ne me vois pas du tout comme ça”, balaye-t-il d’un revers de main. “Je fais mon travail, du mieux possible. En tout cas, le staff français prouve qu’il est possible de se faire une place, pour peu qu’on ait le niveau suffisant et le cheval adéquat. Il laisse sa chance à tout le monde.”
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Photo à la Une : Aurélien Leroy et son cheval de tête, le jeune Croqsel de Blaignac. © Sportfot