Deuxième partie de notre rencontre avec la cavalière suisse Aurelia Loser, qui partage son temps entre les chevaux et ses études universitaires.
Dans la première partie, Aurelia Loser nous parle de ses débuts et notamment de son arrivée dans les écuries de Gian-Battista Lutta, à Lossy. Dans cette seconde partie, il sera question de la vie de cavalière de marchands, avec ses bons et moins bons côtés. On verra aussi quels sont les objectifs de cette Suissesse de tout juste vingt-six ans.
Cavalière de marchand, Aurelia Loser a toutefois une place à part dans l’organisation des écuries Lutta. Etudiante de Master à l’Université de Fribourg, elle retrouve ses montures aussitôt les cours finis : « On a chacun notre piquet de chevaux. Il y a Séverin Hillereau, qui est revenu dans l’équipe récemment. Il a repris les écuries de Romain Duguet, où son basés ses propres chevaux, et monte aussi ceux de Gian-Battista Lutta. C’est vraiment bien qu’il soit de retour, car il est l’un des piliers de notre équipe. C’est vrai qu’après le départ d’Alain Jufer chez Steve Guerdat, il y a eu un coup de mou. Il y a aussi Victoire Echelard. Elle a participé aux Européens de la relève avec la France. »
Gian-Battista Lutta, qui a lui même monté à haut niveau, a deux garçons qui brillent maintenant chez les juniors : Thibaut et Noah. « Les enfants de Gian-Battista Lutta font aussi partie de l’équipe», explique Aurelia. « Ils montent vraiment bien et c’est normal que ses enfants soient prioritaires. Quand on a des bons chevaux, faciles, et qu’on en a assez, c’est naturel que les enfants du patron les récupèrent. Noah, le benjamin, est encore à l’école alors que Thibaut, l’aîné, fait un apprentissage dans les chevaux. Ils bossent énormément. Le plus grand commence aussi à faire un peu de commerce. Au sein de l’équipe, on s’entend vraiment bien et c’est très motivant de faire partie d’un team. Il n’y a pas de concurrence. Avec Séverin qui revient, c’est un plus. Il nous aide avec les chevaux. Il est toujours là. Quand Alain est parti, cela manquait d’avoir un leader dans l’écurie. »
Dans les boxes des écuries de Lossy, les bons chevaux sont légion et Aurelia Loser peut donc compter sur des montures de choix : « Je n’ai jamais voulu connaître le prix des chevaux que je montais. Parfois, je le sais, car on me le dit, mais en principe, je préfère ne pas le savoir. Moi je suis là pour monter les chevaux et pour les présenter. Le commerce et le business, c’est le job de Gian-Battista Lutta. » Toutefois, chaque médaille à son revers et le rôle de cavalier de commerce n’est pas toujours évident lorsque les chevaux son vendus : « Il faut avouer que ce n’est pas facile. Lorsqu’on s’attache à un cheval, ce n’est jamais agréable de le voir partir, mais on le sait. On a de la chance, car Gian-Battista s’efforce de nous garder toujours de bons chevaux. Cela a été le cas pour Tic Tac, que j’ai pu monter durant un an et demi alors qu’il avait prévu de le vendre tout de suite. Il voulait me le garder pour que je puisse faire de grosses échéances, qui n’ont finalement pas eu lieu en 2020. J’ai tout de même eu l’opportunité de participer à la Coupe des nations de Vilamoura et cela s’est bien passé pour moi, donc notre histoire se termine sur une bonne note. Et c’était le bon moment pour le vendre. Ce n’est tout de même pas facile, car on s’y attache. Quand ils nous donnent des super résultats, c’est plus délicat que si c’est un six ans que tu n’as monté que le temps de deux parcours. » Une jeune cavalière brillante comme Aurelia est aussi un atout dans une écurie de commerce : « Avec moi, les chevaux sont plus faciles à vendre. C’est vendeur quand on voit qu’ils sont montés par une jeune femme. »
Parmi les avantages de monter pour un marchand, il y a la multitude des chevaux à monter : « Quand je suis arrivée, j’avais un bon niveau, pas mal de feeling, mais monter dans une telle écurie de commerce m’a fait progresser incroyablement rapidement. J’ai monté tellement de chevaux différents. Sportivement parlant, j’ai explosé grâce à Alain et à Gian-Battista. » La spécialité d’Aurelia ? Les chevaux délicats: « C’est vrai qu’actuellement j’ai des chevaux difficiles mais j’aime ça. J’aime quand il y a un peu de challenge. J’aime bien les spéciaux, les chauds. En principe, je m’en sors plutôt bien avec ce genre de chevaux. J’ai plus de mal avec des chevaux qu’il faut stimuler. Je dois beaucoup à Laurent Fasel dans ma monte. Il a toujours été dans le sens du cheval, dans le naturel. Laisser le cheval faire les choses. Je pense que j’ai gardé cela de lui. Ici, j’ai appris à travailler les chevaux et c’est essentiel pour viser le haut niveau : les chevaux doivent écouter. »
Au quotidien, la jeune cavalière aime toujours travailler avec un coach :« Je m’entraîne avec Fabien Acide. Il nous aide beaucoup. En 2020, j’ai beaucoup travaillé avec lui. Il est très « cheval », jamais dans la contrainte. Il a l’œil pour tout de suite faire travailler le cheval dans le bon sens. Gian-Battista est lui aussi toujours là quand on saute, il nous donne parfois des conseils ou nous fait sauter, car il voit beaucoup de choses. Il ne parle pas beaucoup, mais voit énormément de petits détails qui font la différence. Je pense que je pourrais travailler seule, mais c’est important pour moi qu’il y ait quelqu’un à mes côtés. Par exemple, en concours, j’apprécie d’avoir une personne comme Gian-Battista qui va me dire avant d’entrer dans un barrage, « Allez, vas-y ! » Ça me donne de la confiance. »
Ce qui frappe lorsqu’on voit la jeune amazone en piste, c’est son sang-froid. D’ailleurs, sa maîtrise de son mental lui fait même envisager de devenir psychologue du sport : « Dans deux ans, on verra si je me lance dans les chevaux uniquement ou si je continue une formation pour devenir psychologue du sport, cela ne motive énormément. Dès mes débuts, Laurent Fasel m’a toujours dit, que j’étais une cavalière froide et que c’était une immense qualité. C’est vrai que j’ai de la chance, car je tiens bien la pression. Et quand il y a de la pression, j’arrive à l’utiliser dans le bon sens. Dès que c’est important, je peux me surpasser. J’aimerais bien pouvoir transmettre cela. Je ne sais pas encore vraiment comment, car pour moi c’est naturel, mais j’aimerais pouvoir le partager. »
Malgré la vente de Tic Tac, Aurelia Loser peut compter sur un solide piquet de chevaux et voir la saison 2021 d’un bon œil : « Je vais me concentrer sur Molly Mallone Z (Mylord Carthago) pour les grosses épreuves. Elle est encore verte même si elle a neuf ans. Quand elle est arrivée à ses sept ans, elle n’avait presque rien fait, c’était comme si on montait une cinq ans. Je pense qu’elle a tout le potentiel pour aller tout en haut. J’ai Hotaowa de la Tourelle (Centurio 22), une huit ans, une jument d’avenir, je pense qu’elle va faire ses premières 145 cm et ses premières rankings cette saison. J’ai aussi la chance d’avoir deux chevaux qui appartiennent à Arturo Fasana : Anaba Haize (Ravage de Mars) et Curtis Sitte (Ugano Sitte). Curtis a déjà fait de grosses épreuves, il n’a plus rien à prouver, donc on verra ce qu’il est encore d’accord de nous donner. Anaba, elle, est une jument très chaude. J’ai eu un coup de cœur pour elle, car c’est typiquement le genre de cheval que j’adore : chaude, belle et attachante. À la maison, elle saute de façon incroyable, mais en piste elle perd un peu sa qualité, car elle est trop chaude. Je vais pouvoir compter sur les deux pour faire les Grands Prix.»
En 2020, Aurelia Loser a pu prendre part à la Coupe des Nations de Vilamoura et cela lui a permis, à nouveau, de goûter au haut niveau et aux épreuves par équipe : « J’espère vraiment pouvoir participer à d’autres Coupes des Nations, car c’est quelque chose qui me motive énormément. Il faut évidemment privilégier les Grands Prix nationaux, mais les Coupes des Nations, c’est un niveau supérieur auquel j’aimerais accéder. »
À long terme, les grands championnats sont un rêve que la jeune femme garde dans un coin de sa tête : « Si j’ai la chance d’avoir des chevaux et de pouvoir le faire, c’est un objectif qui me motiverait. »
Si ce n’est pas plongée dans ses livres ou sur un cheval que vous croisez la souriante jeune femme, c’est sans doute sur les pistes de ski de Crans-Montana que vous aurez le plus de chance de la voir : « Quand je vivais à Crans-Montana, je ne me rendais pas compte à quel point j’aimais ma région et mes montagnes, je ne skiais d’ailleurs presque plus. Maintenant que j’habite dans le Canton de Fribourg, j’adore rentrer en Valais et profiter de skier. C’est sûr qu’entre les chevaux et les études je n’ai pas beaucoup de temps pour autre chose, mais l’hiver, je me réserve des moments pour aller skier. Mes parents sont toujours à Crans-Montana, où ma maman est médecin. » C’est auprès des siens et dans l’air pur des Alpes que la cavalière fait le plein d’énergie pour affronter les nombreux défis qu’elle se lance.
Fin !
Photos © Clément Grandjean