Arioto*du Gevres, un petit prince à la personnalité affirmée (1/2)
Après une excellente saison 2021, notamment marquée par un double sans-faute dans la Coupe des nations du mythique CHIO 5* d’Aix-la-Chapelle, Arioto*du Gevres a repris le chemin des compétitions avec tout autant de brio en 2022. Il y a un peu plus d’une semaine, l’énergique bai a remporté le Grand Prix 4* de Gorla Minore, sous la selle de son fidèle cavalier, Marc Dilasser. Ce véritable petit prince, choyé par tous, a de nombreuses raisons de laisser rêver son entourage : son pilote, bien-sûr, mais aussi sa groom, Romane Desdoits, et sa naisseuse et propriétaire, Marie Michèle Bastin, qui n’en est pas à son coup d’essai dans l’élevage…
À son retour de Gorla Minore, où il s’est imposé, dimanche 20 mars, dans le Grand Prix 4*, après avoir remporté une épreuve à 1,50m deux jours plus tôt, Arioto*du Gevres (SF, Diamant de Semilly x Qualisco III) n’avait rien perdu de sa fougue habituelle. “Pour rentrer d’Italie, Arioto a fait un petit peu de route. Lorsqu’il est descendu du camion en arrivant, il faisait des sauts de mouton. Le lendemain, nous avons dû le rentrer du paddock après deux heures, car il trouvait qu’il y était resté assez longtemps et s’est mis à galoper en orbite. C’est Arioto !”, lance Marc Dilasser, qui évolue avec son Selle Français depuis plus de cinq ans. “Ce que j’adore et ce qui me rassure, c’est de voir mon cheval rentrer d’un 4*, où il a vraiment performé, d’avoir fait la route, et d’être en pleine forme. Pour moi c’est vraiment un signe que le concours ne l’a pas émoussé du tout.”
Sur les terrains de compétitions, difficile de passer à côté d’Arioto. Généreux, pétri de talent et de détermination, le Selle Français capte tous les regards. “Arioto est un guerrier. Il n’y a pas grand-chose qui l’impressionne. Ce n’est pas un cheval d’un très grand gabarit, mais il a un galop vraiment immense, une force et des moyens incroyables. Il a besoin d’espace et est fait pour les grandes pistes. L’indoor lui plaît moins. Quand les chevaux sont aussi brillants que lui, il n’est pas juste de leur imposer des choses qui ne leur conviennent pas à 100%”, narre Marc Dilasser, dont le travail a permis de révéler le fils de Diamant de Semilly aux yeux du grand public en 2021.
Pour autant, les premiers succès du petit bai ne datent pas d’hier. En avril 2014, Arioto commence sa carrière sportive sous la selle de Fiona Versini pour une poignée d’épreuves Formation 1, puis rejoint la famille Bourdon pour trois ans. Sous les selles de Mathieu et Alain, le bai enchaîne les sans-faute à cinq et six ans. Onzième de la finale de Fontainebleau en 2015, Arioto réussit un sans-faute l’année suivante, au milieu d’une génération solide, parmi laquelle figurent les Atome des Étisses, Arlo de Blondel, Andiamo Semilly, Antidote de Mars, et consorts. Fin 2016, le hongre débarque chez Marc Dilasser. Débute alors une belle histoire.
“Lorsqu’il est arrivé aux écuries, Arioto avait six ans. Je travaille chez Marc depuis neuf ans, donc je l’ai toujours connu ici. Au départ, Marc n’avait pas tout le contrôle avec lui. Je me suis dit ‘ohlala, mais il est fou ce cheval’ !” (rires). Depuis, nous avons tout fait ensemble”, sourit Romane Desdoits, fidèle soigneuse du Selle Français, qui a vécu un véritable rêve en allant à Aix-la-Chapelle, en septembre dernier.
Marie-Michèle Bastin, discrétion, passion et réussite
Derrière le duo formé en piste par Marc Dilasser et Arioto, se cache toute une équipe, bien-sûr, mais également une éleveuse et propriétaire dévouée : Marie-Michèle Bastin. Particulièrement discrète, cette passionnée n’en est pas à son premier crack. Ne souhaitant pas concentrer l’attention autour d’elle, Marie-Michèle a longtemps élevé ses chevaux sans leur apposer d’affixe, avant de suivre les conseils de son cavalier et d’ajouter “du Gevres” aux noms de ses protégés. Un changement qui, contrairement à beaucoup d’autres, est pour la bonne cause !
Bien avant qu’Arioto ne voit le jour, l’éleveuse, installée en Loire-Atlantique, près de Nantes, fait naître un certain La Fayette (SF, Double Espoir x Birum, Ps), en 1977. “Mon implication dans l’élevage est une longue histoire, qui dure depuis que je suis toute jeune. C’est avant tout passionnel, car je ne suis pas issue d’une famille d’agriculteurs”, retrace Marie-Michèle Bastin. “J’étais passionnée par les chevaux quand j’étais jeune, et mon papa m’avait acheté une jument. J’ai d’abord fait des concours, à partir de 1967, puis quand ma jument a été en âge de prendre sa retraite, je voulais faire de l’élevage. J’ai alors eu le grand bonheur de faire naître La Fayette. Il a été le meilleur cheval de sa génération à quatre ans à Fontainebleau et a été vendu à ce moment-là. Il a été acquis par une dame anglaise, initialement pour faire du dressage. Puis, il est revenu en France et est passé sous la selle de Michel Robert, avec qui il a participé aux Jeux olympiques de Séoul, en 1988, où il faisait partie des quatre mousquetaires (aux côtés de Pierre Durand et Jappeloup, sacrés en individuel, Hubert Bourdy et Morgat ainsi que Frederic Cottier et Flambeau C, qui avaient obtenu une médaille de bronze collective, ndlr).” Première Main, la mère de La Fayette donne ensuite Mardouck (Farceur, AA), et la toute bonne Rose Marie, propre sœur de la star olympique de Marie-Michèle Bastin. Niobe d’Orvault, également fille de Première Main a, elle, engendré dix-sept chevaux, dont l’excellent Calypso d’Herbiers (Hurlevent), Unie d’Espoir (Mazarin V) ou encore Imperial d’Herbiers (Voltaire), pour le compte de Claude Auger.
Forte de ces premières expériences plus que concluantes, Marie-Michèle ne s’arrête pas là. “J’ai acheté une autre jument parce que je ne vivais que pour les chevaux (rires). Elle s’appelait Electre I et était une très bonne fille de Gaur, une super origine à l’époque. Elle a fait de beaux concours, mais était difficile, ce qui ne m’a pas permis de la monter moi-même en compétitions. Je l’ai donc confiée à Bianca Maria, qui a fait des CSI avec elle”, poursuit la sympathique éleveuse. “Une fois retraitée, j’ai fait naître Quiniou (Galoubet A). À ce moment-là, j’étais bien installée, dans une propriété, et je commençais à vraiment développer l’élevage. J’ai fait approuver Quiniou. Il a été l’un des premiers étalons privés de France. Les haras nationaux voulaient garder le monopole à l’époque, et cela a été difficile, mais nous avons réussi. Quiniou a fait une belle carrière et donnait des poulains très agréables à monter.” Sur ses trois-cent-quarante-cinq produits enregistrés au SIRE, Quiniou en compte soixante crédités d’un indice de performance supérieur à 130. Citons l’excellent Barbarian (ISO 174, mère par Fantaisiste), vu aux Jeux olympiques de Sydney en 2000 avec Philippe Rozier et père du crack Victorio des Frottards, Mister Davier (ISO 175, mère par Leprince de Thurin), partenaire de Julien Épaillard au plus haut niveau, Berdanotte (ISO 159, mère par Calmar du Poncel), notamment complice de Patrice Delaveau et Marie et Michel Hécart, ou encore Margot de la Loge (ISO 150, mère par Narcos II) et Indy Boy II (ISO 151, mère par Philemon, Ps).
Kim de Dampierre prend la relève
Aucun doute possible : les réussites de Marie-Michèle Bastin ne sont pas fortuites. Après Première Main et Electre I, Kim de Dampierre rejoint l’élevage loirain. “J’ai acquis Kim auprès de Madame Beineix. Cette jument m’a donné pratiquement un poulain tous les ans. J’ai encore eu beaucoup de chance, puisque le premier d'entre eux a été Arioto”, glisse-t-elle en toute modestie. Désormais âgée de vingt-quatre ans, la belle Kim, encore dans une forme radieuse, en atteste ses excès de joie et autres coups de cul lorsqu’elle rejoint sa prairie chaque matin, profite d’une retraite amplement méritée. À produits de suivre les traces d’Arioto et de faire parler d’elle encore longtemps !
Et cela ne devrait pas être si difficile. Provenant d’une excellente lignée maternelle, Kim de Dampierre est une sœur utérine de Haxelle Dampierre (Papillon Rouge), bonne compétitrice avec Pierre Jarry jusqu’en Grands Prix 5*. Ayant elle-même évolué jusqu’à 1,40m, Kim est issue de la même souche basse que les grands Carembar de Muze (renommé London), A Pikachu de Muze, et le très en vue Mumbai van de Moerhoeve, qui a conduit Christian Kukuk aux Jeux olympiques de Tokyo, l’été dernier, via la prolifique poulinière La Belle van Sombeke. Croisée au regretté Diamant de Semilly en 2008, Kim donne naissance à Arioto l’année suivante. “Diamant me plaisait beaucoup. J’ai connu son père, puisque je faisais les mêmes concours ! Le Tôt était extraordinaire, un régal à voir sauter. Cela m’a poussée à choisir Diamant, qui a, en plus, produit beaucoup de très beaux poulains”, précise l’éleveuse. “J’essaye de prendre de très bons étalons de concours, d’une part, mais surtout d’excellentes juments. Pour moi, les poulinières ont encore plus d’importance. J’ai toujours aimé jouer dans la carte française. Au départ, je n’avais pas trop le choix, mais je préfère toujours favoriser l’élevage hexagonal quand je le peux. Parfois, on en revient toujours au même sang, donc il faut tout de même s’ouvrir un peu.”
Dès ses jeunes années, Arioto se démarque par sa personnalité affirmée, ses qualités, mais aussi sa gentillesse et sa grande intelligence, qui rendent son débourrage très aisé. Apercevant tout le talent de son protégé, Marie-Michèle Bastin choisit alors de le confier à un cavalier qui pourra révéler tout son potentiel. Le choix est acté. L’heureux élu sera Marc Dilasser.
La seconde partie de ce portrait est à retrouver ici.
Photo à la Une : Marc Dilasser et son fidèle Arioto*du Gevres. © Sportfot