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Antoine Courpied et Soleil Levant, la belle histoire du week-end

Sport lundi 11 avril 2016 Julien Counet

Pour la 4ème édition de son CSI à Villers Vicomte, la famille Lambert aura pu compter sur un joli plateau avec pas moins de 43 engagés dans le Grand Prix dessiné par Jean Philippe Desmaret alors que le GP du CSI* a été remporté par Romain Potin sur Gloria Vd Barbeluis et que Jérémy Le Roy aura signé un beau week-end en remportant pas moins de 4 épreuves dont le grand prix des 7 ans avec Very Special Farmer mais la belle histoire du week-end vient d' Antoine Courpied qui a inscrit son nom pour la première fois au palmarès d’un Grand Prix international grâce à Soleil Levant, un cheval qu’il a vu naitre chez Jacques Lozay, pour qui il montait déjà la mère. Figure très connue des terrains normands, le jeune homme est désormais installé en région centre à Oinville-Sous-Auneau entre Chartres et Rambouillet.

« J’ai déménagé il y a maintenant un an et demi près de Rambouillet mais plus du côté campagne que du côté des vignes. J’ai l’avantage d’être à la campagne tout en étant en voiture, lorsque tout roule bien, à trois quarts d’heure des Champs Elysées. Pour faire les concours auxquels je participe depuis l’an dernier, c’est beaucoup plus central. Ce déménagement s’est pourtant fait tout à fait par hasard. Je cherchais un point de chute mais à la base je cherchais à rester en Normandie puis un ami avec qui j’avais un cheval en copropriété m’a proposé de venir m’installer chez lui et j’ai accepté. J’ai 22 boxes qui sont très bien, une belle piste extérieure en sable blanc dotée d’un arrosage automatique tout comme la piste intérieure. C’est vraiment une structure très fonctionnelle. J’ai évidemment dû réfléchir avant de faire le pas vers ce déménagement car évidemment, cela signifiait aussi quitter tous les potes mais aussi toute cette vie associative dans laquelle je m’étais beaucoup investi ces dernières années mais j’ai pour principe de penser que si on reste trop longtemps dans un schéma identique on devient un vieux con et j’avais le sentiment qu’il était temps pour moi de passer à autre chose. J’avais déjà fait beaucoup et finalement, je ne vis pas mal du tout le fait d’avoir tourné la page… maintenant, cela vient peut-être aussi du fait que mon cheval va bien, que je peux me rendre sur de beaux concours. Du coup, m’occuper un peu de moi, ça ne fait pas mal. D’autant que Soleil Levant, c’est avant tout une magnifique histoire humaine. Jacques Lozay est la première personne à m’avoir confié un cheval quand j’ai débuté ma carrière en 2000, il y a maintenant 16 ans. J’ai monté la mère de Soleil pour lui mais elle a souvent manqué de chance et finalement, nous nous sommes dit que nous allions la faire pouliner.

Nous avons décidé de faire naître le poulain ensemble. Lui avait un peu de terrain et ça l’amusait de faire naître un poulain par an. Nous avions choisi de la faire inséminer d’abord par Ephebe for Ever avec qui nous avons eu une gentille jument qui fait le plaisir d’une amateur aujourd’hui puis par Kairouan Rouge qui est un étalon très peu connu mais dont la production est très prometteuse puisque depuis ce dimanche, il a 100% de ses produits gagnants en Grand Prix** … puisque c’est le seul produit ! Le propriétaire du cheval était le père d’un ami, du coup, j’avais suivi un peu le cheval qui était un fils de Papillon Rouge issu d’une très bonne souche de Fernand Leredde. C’était un très bon cheval mais le propriétaire était un peu un original et la gestion fut quelque peu chaotique et du coup, le cheval est passé à côté de sa carrière. François Xavier Boudant a monté le cheval jusqu’à ses 6 ans mais le propriétaire a finalement préféré qu’il ne prenne pas part à la finale car il avait peur que ce soit trop dur puis à 7 ans, le cheval a une année sabbatique, au pré avec un abri. C’était l’année où nous avons fait saillir Gentille Davière qui ne prenait pas en congelé. Du coup, Jacques Lozay a été chercher le cheval au pré presqu’au péril de sa vie avec un cheval qui était retourné à l’état sauvage pour le faire en immédiat … et elle a été pleine ! A 8 ans, le cheval a fait 4 parcours avec Xavier Leredde dont une fois avec une erreur de parcours puis à 9 ans, il atterrit chez Jos Lansink. Les débuts ont été très prometteurs puis les choses se sont un peu dégradées, le cavalier devait être occupé à d’autres choses et le propriétaire n’a pas eu de patience et l’a récupéré. Il est ensuite passé par chez Michael Whitaker avec qui il a fait de très bonnes choses, notamment avec un des jeunes Whitaker de la génération suivante dans le championnat de Grande Bretagne jeunes cavaliers. Finalement, le cheval est revenu en France et après quelques soins, il a finalement terminé sa carrière chez Alexis Gauthier de manière anonyme.

Il faut dire que la mère de Soleil Levant est très bien née puisqu’il s’agit d’une sœur utérine de Feuvert Davière qui était le second cheval de Takeshi Shirai à l’époque où ce dernier montait Vicomte du Mesnil au plus haut niveau. Feuvert a fait de très belles choses sur 1m50 que ce soit dans les grosses épreuves des premiers jours des CSIO ou sur les nationaux auxquels participait le japonais. La mère de Gentille et Feuvert était quant à elle une sœur utérine de Gredo la Davière qui a participé aux JO et aux JEM pour la Grèce avec Antonis Petris avant de poursuivre sous la selle de Peter Wylde. Dans l’origine, on retrouve directement des chevaux de Grand Prix dans les quatre premières générations. Malheureusement, nous avons ensuite perdu la mère de Soleil à un mois du terme pleine de Diamant de Sémilly. C’est dommage mais c’est la vie d’éleveur. A 6 ans, j’ai vendu la moitié de Soleil à des gens très sympathique et finalement, on se retrouve tous ensemble et c’est une véritable aventure humaine autour du cheval et voici où nous en sommes aujourd’hui. A priori, il y a des chances qu’il soit vendu un jour et vu ses performances, il y a des chances que ce jour se rapproche mais nous n’avons aucun impératif et lorsque je choisis mon planning de concours, je le fais uniquement pour l’aspect sportif et en aucun cas pour tenter d’aller où l’on risquerait d’avoir des clients. Pour le moment, on fait du concours et l’on se fait plaisir, le jour où nous aurons une véritable offre sérieuse, nous étudierons la question. Comme beaucoup, c’est mon métier et je ne pourrai pas refuser une belle offre mais il n’y a aucune obligation de quoi que ce soit. L’an dernier, Soleil m’a permis de participer à plusieurs Grand Prix trois étoiles, il a fait 6 Grand Prix à 1m50 et a été classé 4 fois dont le Grand prix*** du NHS à Saint Lô. Maintenant, il faut rester humble, je dois beaucoup à ce cheval. Avant lui, mes Grand Prix se limitaient à des épreuves d’un mètre quarante. Je découvre ce niveau-là et j’en découvre un peu plus tous les ans. Je pense que c’est un vrai cheval même si c’est difficile de dire jusqu’où il va aller. J’essaie de ne pas aller trop vite et de ne pas le mettre dans le rouge. Je l’ai toujours inscrit dans des épreuves quand j’ai pensé que j’étais prêt à gravir un échelon mais il n’y a pas de plan sur la comète. Après, on peut toujours rêver. Moi, je fais ce métier là parce que quand j’avais 11 ans, Pierre Durant est devenu champion Olympique avec Jappeloup et je me suis dit : je veux faire ce métier-là... mais je prends les choses comme elles viennent tout en essayant d’améliorer le cheval et moi-même petit à petit. Je ne dis pas qu’il pourra sauter les plus gros Grand Prix du monde mais aujourd’hui, je ne connais pas sa limite. C’est un cheval qui à 5 ans, on se dit qu’il va faire les 5 ans, à 6 ans, il a fait les 6 ans, 7 ans, on s’est dit "Oh il va sauter 1m40", à 8 ans, "oh, il va sauter 1m45" … A chaque fois qu’on lui a mis plus devant les yeux, il a toujours été là. Pourtant à 5 ans, il ne faisait pas le show et à Fontainebleau, personne ne me courait après pour me l’acheter.

Personnellement, ce que j’ai toujours adoré c’est qu’il avait toujours une super énergie au pied de la barre et toujours avec de la poussée. Un vieil éleveur de la Manche m’avait expliqué un jour que les chevaux qui pouvaient se pousser loin avec du dressage, ils pouvaient se pousser haut et j’ai eu tendance à le croire. La seule chose, c’est qu’il n’a jamais été dans le rouge. Après je n’ai jamais essayé de le tester à la maison en me disant quand il avait 5 ou 6 ans : « on va voir ce qu’on va voir », ce n’est pas ma philosophie d’autant que sauter un oxer d’un mètre soixante à la maison n’a rien avoir avec le fait de faire du concours.

Aujourd’hui, il a sauté le Grand Prix avec 50 centimètres de marge du premier au dernier obstacle comme il n’avait jamais fait jusqu’à maintenant. L’an dernier, je pense que je n’étais pas super précis. Je mettais sans doute un peu trop la jambe car il fallait sauter ces gros obstacles. Lui était un peu ému alors que cette année, je trouve que nous avons tous les deux un peu plus de maturité et j’arrive véritablement à construire mes parcours. L’an dernier, lorsque j’ai pris la 7ème place du Grand Prix** de Chantilly où il y avait un gros parcours, je dois bien admettre qu’il y a au moins deux fois dans le parcours où je ne savais plus où j’habitais. Il fallait trois foulées pour que je relève la tête et que je me dise « ah oui, le suivant, il est là. Cette année, je n’ai plus ce problème. Il sautait fort mais au plané et même avant l’obstacle, je savais où j’allais l’obstacle d’après. Nous sommes plus dans le coup l’un comme l’autre et finalement, à 10 ans, il n’est pas si en retard que ça pour atteindre ce niveau-là. Depuis très peu de temps, Jean-Marie Robin me suit et m’aide beaucoup. Ce n’est pas quelqu’un des plus connus mais c’est lui qui a fait évoluer Manureva la Guimorais qui évolue aujourd’hui au plus haut niveau avec Yann Candele en représentant le Canada aux Jeux Mondiaux de Caen notamment. Il en a eu beaucoup d’autres car c’est quelqu’un qui a beaucoup d’expérience et un très bon œil même s’il n’a pas eu une grande carrière internationale. Il a su bien me structurer dans mon travail sur le cheval, ma monte. Il m’aide vraiment beaucoup. C’est un cheval rapide alors si j’ai le culot de tourner devant les obstacles, j’ai mes chances. Ici, j’avais vu que je pouvais aller vite sans pour autant tout donner et de fait, j’ai terminé avec deux secondes d’avance mais ce qui est fantastique avec ce cheval, c’est que la veille dans le barème A au chrono, nous avons fait une faute mais avec cinq secondes d’avance et le lendemain, vous pouvez faire le Grand Prix, ça ne va rien changer. Au contraire, c’est un cheval avec beaucoup d’énergie et courir une épreuve au chrono le libère. »

Photo à la Une : Les Garennes