Blessée juste avant les Européens de Milan, deux ans après sa médaille d’or individuelle décrochée à Riesenbeck, la géniale Chakaria a offert l’un des plus beaux moments de sa carrière à son cavalier, André Thieme. Libéré de la pression qui le rongeait pour obtenir la dernière place disponible au sein de la Mannschaft pour les Jeux olympiques de Paris, qu’il n’a finalement pas décrochée, l’Allemand s’est vengé en remportant le plus beau Grand Prix de la planète équestre, celui du CSIO 5* d’Aix-la-Chapelle. En réalisant le meilleur des quatre barrages de l’après-midi, le cavalier de quarante-neuf ans a supplanté McLain Ward et Ilex ainsi que le très en forme Richard Vogel, associé à l’OVNI United Touch S.
La victoire semblait bien partie pour filer tout droit dans l’escarcelle de Richard Vogel et United Touch S. Tout au long de la semaine, l’Allemand a conquis et encensé les plus de trois cent soixante-dix mille visiteurs venus tout au long de la semaine pour assister au Festival équestre mondial. Victorieux de trois épreuves majeures de la semaine, classés dans deux autres, vainqueur du prix du meilleur style, le jeune homme a définitivement changé de statut et peut officiellement se targuer d’être le chouchou de la foule, qui a scandé son nom en rythme pendant le Grand Prix Rolex, étape du Grand Chelem de saut d’obstacles, dimanche 7 juillet. Alors qu’il avait le point levé en l’air en franchissant la ligne d’arrivée finale sur son extraterrestre fils du regretté Untouched, Richard Vogel a rapidement compris que le dernier vertical avait chuté à son passage. De fait, la victoire est revenue à son compatriote, André Thieme, brillant avec sa chère DSP Chakaria, née Carelia.
André Thieme et sa Chakaria étaient déterminés à bien figurer dans le Grand Prix CSIO 5* d'Aix-la-Chapelle. © Mélina Massias
Déjà sacrés champions d’Europe lors des Européens de Riesenbeck en 2021, et lauréats, notamment, des Grands Prix des CSIO 5* de Rome et Falsterbo, André Thieme et Chakaria ont écrit l’une, si ce n’est la plus belle ligne de leur carrière. “Avant Aix-la-Chapelle, je savais que la place de réserviste pour les Jeux olympiques était encore à ma portée. J’avais de bonnes chances de l’obtenir, mais après mes deux parcours à quatre points dans la Coupe des nations, et les doubles sans-faute de Jana Wargers dans le Prix de l’Europe mercredi et dans l’épreuve par équipes jeudi, ont scellé mon sort. Je n’ai pas eu besoin de parler avec Otto (Becker, le sélectionneur de la Mannschaft, ndlr). Je savais qu’il n’y avait plus d’espoir pour moi et que je serais le deuxième réserviste. Je voulais trop obtenir cette place, je n’étais pas assez détendu. Ma femme m’a dit que je n’étais plus le même ces dernières semaines, que je n’étais plus aussi drôle ni facile à vivre que d’habitude. Les années précédentes, Chakaria et moi réussissions beaucoup de sans-faute, plus que cette saison. Elle est, certes, revenue de blessure, mais était à cent pourcents. J’ai eu ma chance à La Baule et Hambourg, mais cela n’a pas été suffisant. Je respecte la décision qui a été prise, d’autant plus dans le cas où quelqu’un a été meilleur que moi, comme Jana, qui est restée elle-même et a enchaîné les sans-faute. Elle le mérite amplement. Ce qui est drôle, c’est qu’aussitôt la Coupe des nations terminée, et mon sort pour Paris scellé, quelque chose a changé. Tout d’un coup, je me suis senti libéré et de nouveau moi-même. Mon deuxième cheval a commencé à très bien sauté et tout s’est enchaîné. Ma femme m’a dit que je montais différemment. Elle m’a incité à continuer ainsi, à penser à moi plutôt qu’à l’équipe pour une fois et à gagner un peu d’argent ! Cela a fonctionné et je me suis senti moi-même. Je suis en paix avec le fait d’être cinquième pour les prochains Jeux olympiques”, a déclaré un André Thieme fidèle à lui-même, facétieux et souriant. “Si j’avais deux ans de plus, j’aurais pu m’arrêter sur cette victoire. J’ai vécu des moments remplis d’émotions avec Chakaria auparavant. Elle m’a offert tant de souvenirs spéciaux, mais gagner ici, à Aix-la-Chapelle, est différent. Je n’oublierai jamais notre victoire dans la Coupe des nations il y a deux ans, mais remporter ce Grand Prix est le rêve d’une vie. La plupart des cavaliers ne s’en approchent jamais. C’est un vrai rêve. J’ai déjà dit plein de fois que j’aimais ma jument autant que ma femme. Et elle l’aime aussi, surtout lorsque je rentre à la maison avec un chèque pareil ! Chakaria a rendu tant de choses possibles et nous a permis de vivre tant de choses incroyables... Des victoires autour du monde, les championnats d’Europe, des médailles, mais je ne pensais jamais avoir l’opportunité de gagner ici.”
Face à un stade comble, André Thieme a une nouvelle fois brillé avec celle qu'il décrit comme la jument d'une vie. © Mélina Massias
Un tantinet déçu de son barrage, qu’il juge perfectible, André Thieme n’a pas caché son émotion face aux milliers de spectateurs massés autour du stade équestre de la Soers. L’Allemand a également tenu à souligner le rôle joué par Steve Guerdat dans sa victoire. Le Suisse l’a ainsi poussé à se faire confiance et à tenter sa chance au barrage. “Vu la façon dont ta jument saute, tu peux y aller”, lui a glissé le Suisse, resté aux portes de la seconde manche avec Vénard de Cerisy dans une épreuve parfaitement dosée par Frank Rothenberger, qui avait un peu loupé le coche jeudi soir.
Selfie pour le trio gagnant, formé par Chakaria, André Thieme et leur groom, Heidi Jäckel, leur groom. © Mélina Massias
En tête des opérations, devant McLain Ward, impressionnant sur Ilex, et Martin Fuchs, sanctionné d’une faute avec Leone Jei, né Hay El Desta Ali, André Thieme a tremblé jusqu’au bout. Lancé à pleine vitesse, Richard Vogel, qui présentera son même United Touch S lors des Jeux olympiques de Paris, a pris tous les risques pour tenter de faire aussi bien qu’en fin d’année dernière à Genève. Alors qu’il croyait la chance de son côté et qu’il se pensait peut-être invincible après sa “semaine de rêve”, le Germanique a finalement vu l’ultime vertical rouler à terre. Avec son chronomètre, le meilleur de ce barrage à quatre, il s’est classé troisième. En conférence de presse, Richard Vogel s’est dit satisfait de ce classement et a salué la façon dont son fabuleux complice a une nouvelle fois sauté.
Pas de victoire cette semaine pour United Touch S, qui est passé à quelques millimètres de s'imposer dans le Grand Prix Rolex. © Mélina Massias
Désigné meilleur cavalier du concours, McLain Ward, qui été de toutes les remises des prix ou presque cette semaine, a enfin atteint son objectif. “Ce matin, je me suis dit que battre Richie était suffisant”, s’est amusé l’Américain, qui est resté bloqué derrière l’Allemand tant de fois tout au long de la semaine. “J’ai suivi mon plan et mon cheval a répondu présent. Il a encore mieux sauté le troisième parcours que le premier. André a pris de vrais risques et je ne peux pas être déçu. Ilex et moi formons un couple encore nouveau et nous élancerons aux Jeux olympiques. Après cette performance, j’ai un bon sentiment pour cette échéance.” Doté de moyens phénoménaux et d’une amplitude gigantesque, le fils de Baltic VDL, né Bears, a confirmé que son potentiel n’avait pas de limite, après avoir laissé entrevoir un peu de son talent sous la selle de son ancien cavalier, le Brésilien Fabios Leivas Da Costa.
Quelles démonstrations pour le fabuleux Ilex. © Mélina Massias
Etalon aux quelques six-cent-quarante-trois produits enregistrés sur la base de données Horsetelex, Baltic VDL ne s’est pas contenté de qualifier un seul de ses produits au barrage. Le tentaculaire Leone Jei, habitué des podiums et autres classements dans les Grands Prix les plus prestigieux de la planète, comme ceux de Genève et Calgary qu’il a déjà remporté avec Martin Fuchs, s’est offert la quatrième place de celui d’Aix-la-Chapelle, après avoir concédé une faute au barrage et franchi acrobatiquement le célèbre double de bidets, transformé en triple cette année, dans la manche précédente. Plus rapide qu’André Thieme, le Suisse aurait pu l’emporter mais se contentera cette fois du quatrième rang. De quoi lui donner une petite dose de motivation supplémentaire à l’approche des Jeux olympiques de Paris, qu’il disputera avec son infatigable KWPN.
Encore une fois, Martin Fuchs et Leone Jei étaient au rendez-vous. © Mélina Massias
Cinquième après avoir signé une première manche à quatre points, puis le sans-faute le plus rapide de la seconde avec la Selle Français Dallas Vegas Batilly, Ben Maher a également été honoré par le Prix Halla, qui récompense le meilleur cheval du CSIO, en hommage à la jument éponyme, indéfectible partenaire du regretté Hans Günter Winkler. La fille de Cap Kennedy a devancé d’un rien Dorette, née Dollar’s Girl, la complice de Jana Wargers. Grâce à des parcours de très bonne facture, Christian Kukuk et Kevin Staut se sont partagé la septième place. L’Allemand avait sellé la fantastique Just Be Gentle, qu’il lance dans le grand bain depuis quelques semaines. Taillée pour s’imposer sur une piste comme Aix-la-Chapelle, la longiligne fille de Tyson a encore quelques années devant elle pour y parvenir et ajouter un, ou plusieurs nouveaux Grands Prix 5* à sa collection. Nettement plus expérimentée, Visconti du Telman a prouvé son excellente forme et réalisé la meilleure performance française.
Dallas Vegas Batilly et Ben Maher n'ont pas démérité. © Mélina Massias
Avec une faute sur le numéro un de la seconde manche, Nicola Philippaerts et Katanga vd Dingeshof ont signé la meilleure performance belge, avec une neuvième place. Ils ont devancé Cian O’Connor et Chacco’s Light, Daniel Deusser et Killer Queen VDM et Laura Kraut et Baloutinue, tous dans le Top 12 après une faute dans l’acte initial puis un clear round dans le suivant. Auteur de deux parcours presque parfaits, Lorenzo de Luca et Marcus Ehning ne sont pas passés loin avec leurs respectifs Denver de Talma, fils du regretté Vigo Cécé, et Coolio 42, remarquable lors de ses deux parcours. Du haut de ses neuf ans, l’extraordinaire Tabasco de Toxandria a aussi fait, une nouvelle fois, sensation, sous la selle de la non moins incroyable Kendra Claricia Brinkop. Le couple a quitté la piste avec six points et une quinzième place. Scott Brash, Patrick Stühlmeyer et José María Larocca ont complété le classement sur Hello Jefferson, né Jerenmias van het Hulstenhof, Drako de Maugré et Abril Inconthon.
Sous la selle de Lorenzo de Luca, Denver de Talma est la révélation de la semaine. © Mélina Massias
Photo à la Une : Que d’émotions pour André Thieme et son alezane lors de la remise des prix. Mélina Massias
Toutes les épreuves du CSIO 5* d’Aix-la-Chapelle sont à (re)voir sur Clipmyhorse.tv.