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Alexis Gautier, un rêve éveillé

Reportages mardi 25 octobre 2011 Julien Counet

Continuons ensemble notre découverte avec Alexis Gautier. Notre deuxième volet est consacré à sa rencontre avec le tempétueux Helios de la Cour.

Comment s'est passée votre rencontre avec Helios de la Cour ?


« Je l'ai rencontré quand il avait six ans. En fait, c'est pareil, mes parents connaissaient la famille Couetil et je les ai toujours connus dès mon plus jeune âge. Ils cherchaient un cavalier parce que Florian Angot l'avait monté à quatre et cinq ans mais n'avait pas trop le temps de s'en occuper. J'habitais près de chez eux et cela s'est fait comme ça. » 

Quel a été votre premier sentiment en vous mettant dessus ? 

« Je l'avais déjà vu en concours et on savait que c'était un super cheval. Évidemment, c'est facile de le dire puisque je suis son cavalier, que je monte dessus et on dit toujours que les cavaliers ne sont pas objectifs sur leurs chevaux, mais je ne suis pas le seul à le dire. Lorsque Florian l'a monté, il a aussi tout de suite su que c'était un crack. Ceux qui le connaissent dans la région savent que c'est un super cheval. Après, la monte a toujours primé sur sa carrière sportive donc il a fait des bonnes performances mais peut-être que s'il s'était consacré à la compétition avec un Skelton ou un Whitaker, il aurait été un cheval pour faire les Jeux Olympiques. »  

Comment avez-vous vécu votre arrivée en équipe de France avec lui ?  

« Avec Helios, ce fut assez bref. J'ai fait mes premières armes en équipe de France début des années 2000 avec Cincaba Rouge, un cheval issu de l'élevage des Leredde et qui appartenait à Patrick Byzot. Je montais neuf chevaux pour lui. Avec Cincaba, j'ai participé aux concours de Modène, Gijon où j'étais classé dans les Grands Prix, j'ai pu participer à Cannes, La Baule … j'ai pu participer à plein de concours avec Cincaba. Pour Helios, comme on a toujours donné la priorité à la monte - mais je l'ai toujours su donc je n'ai jamais été surpris - cela a un peu freiné les sélections. Jean-Maurice Bonneau aurait préféré que le cheval fasse plutôt du congelé l'hiver et la compétition en été mais pas les deux en même temps donc j'ai fait très peu de gros concours avec lui. J'ai fait La Baule, Saint-Gall mais sans préparation pour un gros objectif. Il n'y a aucune amertume car la famille Couetil m'avait toujours prévenu que leur but était que le cheval soit surtout vu dans le grand ouest. » 

 Lorsque Helios s'est blessé, ça a été dur à vivre moralement pour vous ? 

« Du jour au lendemain, ça fait drôle. Après si cela a été difficile, j'ai envie de dire oui et non. Depuis que je suis jeune, entre 18 et 20 ans, j'ai eu pas mal d'accidents. C'est l'âge où tu veux bouffer la vie à pleine dent et j'ai eu les vertèbres cassées, deux fois la jambe, la main cassée. Sur deux ans, je ne sais pas combien j'ai eu de plâtres mais j'ai dû en avoir durant un an. Ça forme un peu le caractère et ça m'a aidé à être un peu philosophe avec les chevaux. J'étais vraiment déçu lorsqu'il s'est blessé évidemment mais à ce niveau là, mes parents m'ont bien « éduqué ». On sait à quoi on s'attend… » 

Quand on vous propose de repartir en concours trois ans plus tard, à quoi pensez-vous ? 

« Je n'y croyais pas ! Le cheval avait été condamné à ne plus refaire de concours. Il avait une lésion au niveau du grasset et il a un bout de ménisque en moins. Il avait été opéré en Belgique mais plus pour son confort personnel. Le but était juste qu'il puisse aller au paddock et faire la monte puis voilà, c'était hors de question qu'il refasse du concours. Enfin, pour tout dire, on l'avait réessayé au bout d'un an mais on ne le sentait pas assez bien pour aller plus loin. Au bout de trois ans, son propriétaire s'est dit que ce n'était pas possible qu'en bougeant comme ça dans son paddock, il ne refasse pas du concours. Il l'a d'abord fait monter un peu par le cavalier maison du haras à Moyon puisque le cheval a toujours été là-bas. Il l'a remis un peu en route puis l'a inscrit dans un concours amateur. J'étais en concours à Paris et Titi (Jean-François Couetil, ndlr) m'appelle : « Le cheval a super bien sauté, il a gagné l'épreuve amateur. Tu vas voir, il a l'air content de sauter, faut que tu l'essaies ». 

Moi, je n'y croyais pas. Je me suis dit que ce n'était pas possible. Très bien, il a gagné l'épreuve mais c'était une 1,20,25m… Huit jours plus tard, il y avait une épreuve 1,30m à Auvers chez Alain Hinard. Je n'avais pas monté le cheval avant, j'essaie, je suis sans faute dans l'épreuve et en sortant, je dis : « Tiens, ça aurait été une épreuve 1,40m, ça aurait été pareil ». Quinze jours plus tard, on l'inscrit dans une 1,40m. Je sors, je me dis : « ça aurait été une 1,50m, ça aurait été pareil ». Deux semaines plus tard, nous partons en Bretagne en Indoor car l'hiver arrivait et nous nous retrouvons deuxième du Grand Prix. Et là, c'était reparti mais le problème est que le propriétaire me dit : « Alexis, je suis désolé mais le cheval n'aurait jamais dû refaire de concours … je l'ai loué quatre mois à Lyon chez Aurélien Laguide. » Là, pour moi, c'était une nouvelle déception. Je me suis dit que c'était foutu mais c'était ainsi, le contrat était signé, on ne pouvait pas faire autrement. Nous l'avons récupéré en juillet 2010, on a fait trois concours : 1,40-45m, une épreuve 1,50m et hop, direct le championnat de France et crack, un premier titre ! Il faut dire que ce cheval a vraiment une vie hors-norme. Il est déjà le seul poulain de sa mère. À trois ans, alors qu'il avait remporté le championnat de France des mâles de 3 ans, le cheval a été atteint de coliques. Il fallait l'opérer. Le cheval ne tenait plus debout, ils ont été obligé de le perfuser dans le camion … Arrivé à la clinique, il gueule un coup, tout était remis en place. Un an après, les propriétaires se réveillent lors de la fameuse tempête de 1999, un sapin était tombé sur le boxe. Ils se disent qu'Helios est mort, ils ouvrent la porte et ils le voient dans un coin du boxe : ils ont été obligés de tronçonner le sapin pour récupérer le cheval. N'importe quel cheval aurait fait une connerie, lui pas. À huit ans, je l'engage dans son premier Grand Prix, la veille Titi m'appelle, il me dit : « on ne peut pas y aller ». En passant devant un autre étalon, ils se sont battus et Helios s'est fracturé la mâchoire inférieure à 90°. Ils lui ont mis un fil de fer, tout était impeccable le lendemain.  L'année suivante, on s'est qualifié pour La Baule. La veille du départ, Helios se blesse dans son boxe et s'ouvre tout le chanfrein. Je me suis dit que c'était foutu mais non, il s'est laissé recoudre sans être endormi puisqu'autrement, nous aurions été positif et hop, au revoir La Baule. Puis, deux ans après la rotule et quand on croit tous que c'est foutu, il revient encore. Le vétérinaire qui le suit et s'occupe également de trotteurs me dit toujours qu'il a une récupération hors du commun. On a encore fait une prise de sang après le championnat, il m'a dit qu'Helios a eu récupération comme quelques grands athlètes qui sont de véritables exceptions.  La vie de ce cheval est un véritable roman et avec les chevaux, on est obligé de vivre cela avec beaucoup de philosophie. Après, le fait de le remonter alors qu'il était condamné, pour moi, c'est du bonus : que ce soit un championnat ou un Grand Prix car ça n'aurait pas dû avoir lieu et en plus, ça se passe bien. C'est vrai que moins on monte avec de la pression et mieux ça va. »

Deux êtres qui changent une vie : Helios et Estelle Gautier : femme, groom, manager ...

Dès demain, on se retrouve pour le dernier volet de notre rencontre avec le Français.