Alexis Deroubaix, un homme de cheval existe encore
Deuxième volet de notre interview sur Alexis Deroubaix. Après chaque concours, Timon d'Aure profite d'une thalasso personalisée dans un ruisseau près des écuries.
Par contre, quand vous vous retrouvez à monter dans un poney-club et à dire à vos parents que c'est le métier que vous voulez faire, à quoi pensiez vous ?
« Ca, je n'en avais pas vraiment pas conscience. Quand j'étais jeune, je montais, je montais beaucoup de chevaux dans une écurie, faire du concours comme beaucoup de jeunes. Mais après on prend conscience, au fur et à mesure de comment ça fonctionne mais ça prend des années… »
Mais les parents n'ont pas dit tout de suite « non, non… » ?
« Si au début, ils se demandaient où j'allais parce que je suis parti tout seul là-dedans. Ils n'avaient aucune connaissance du métier et tout ça. D'ailleurs moi, au début ils étaient pas très chaud et puis après pour finir, ils ont compris un petit peu puis ils m'ont soutenu et maintenant, ils viennent jamais trop au concours mais ils suivent un peu. »
Non ?
« Non non ! ( rires) On est tout le temps partis à droite ou à gauche et puis j'ai quand même un frère et deux s?urs, du coup des petits enfants... Ils ont du boulot mais ils suivent ça sur Internet, tout le week-end et tout le machin… Ils vivent dans le Nord, à Lasbroeck … je suis du nord à la base ! »
Et vous avez fait le choix de cette école agricole : ça n'a pas fait de problème à la maison ?
« Ah si ! Oui mes frère et s?urs ont passé le BAC S et compagnie, il fallait faire des études générales et puis moi l'école, ce n'était pas trop mon truc et trouver ce système de diminuer un peu l'école, c'était une bonne affaire. Et puis ça m'a motivé, c'était bien. Quand j'étais à l'école je regardais plus à l'extérieur quoi, je me voyais plus à l'extérieur qu'enfermé dans une classe. »
Il y a des moments dans votre carrière où vous vous êtes dit « qu'est-ce qu'il m'est passé par la tête? »
« Non non je vois ça dans le bon sens en me disant que ça va évoluer qu'il faut commencer petit et puis après réfléchir intelligemment pour évoluer dans un autre sens et puis c'est un métier où on évolue tous les jours et on apprend tous les jours, c'est ça qui est intéressant aussi ! Après au départ, quand j'ai voulu en faire mon métier, je n'avais aucune idée de ce que je voulais vraiment faire. J'espérais déjà faire du bon niveau, avoir des chevaux mais pour moi, du « bon niveau », ça voulait dire 140 ! ( rire ) et puis avoir des chevaux corrects, en passer, en vendre, en faire d'autres. Je n'avais pas la prétention de faire ce niveau. Alors évidemment aujourd'hui c'est un plus en plus d'être bien encadré. Je pense qu'en trouvant les bons chevaux, on peut refaire ce chemin plusieurs fois sur une carrière. »
L'encadrement avec la famille Chenu derrière vous et un peu Henri Prudent… Qu'est-ce qu'ils vous apportent par rapport à ce que vous aviez connu avant ?
« Déjà beaucoup de soutien parce qu'on espère faire les meilleures performances et puis c'est une super équipe, je trouve pour moi. Annick est présente tout le temps, regarde les pistes, marche les pistes, elle m'apporte un bon apport technique sur le parcours. André est là tout le temps au paddock, à mettre les barres, il apporte beaucoup de choses et on se comprend très bien ce qui explique que ça se passe bien. Après, avec les Prudent, ils viennent de temps en temps avant un gros concours pour nous faire travailler. Travailler avec Henri c'est génial aussi, on ne saute pas beaucoup, c'est très simple, c'est du concret. Henri, c'est le copain d'Henri depuis au moins 40 ans donc ça se fait naturellement et ça se fait bien. »
Quand est-ce que tu as commencé à envisager vraiment le haut niveau ?
« Quand j'ai commencé à monter Timon ! Il y avait bien eu Rapide d'Helby avec qui j'ai évolué à haut niveau mais honnêtement, le très haut niveau je ne savais même pas ce que c'était ! Le premier gros concours que j'ai été voir ben c'était les Gucci Paris Masters en 2012 ! Je m'en souviens très très bien ça me paraissait énorme à sauter comme si c'était presqu'inaccessible et puis … aujourd'hui, nous participons à ces concours ! »
Mais là, vous êtes déjà professionnel et c'est le premier grand concours que vous avez été voir ?
« Ah oui oui je n'étais pas du tout sport et grand concours. Ce que j'aimais c'était les chevaux, réfléchir pour les faire évoluer, mieux les faire sauter, les groomer, tout ça mais pas forcément des canes de concours c'était pas mon truc. Le concours, c'est la cerise sur le gâteau je dirais. Vraiment réfléchir en fonction du tempérament des chevaux ou leur façon de fonctionner, leur physique, apprendre … et après oui le concours c'est la cerise sur le gâteau quoi. »
Comment analysez-vous les chevaux ? Comment les faites-vous progresser ?
« Je regarde la manière dont ils fonctionnent en me demandant : « qu'est-ce qu'on peut mettre comme exercice pour les faire sauter mieux, plus rond, avec plus de style … comment donner plus d'engagement, s'occuper du galop de manière naturelle évidemment ! J'aime bien réfléchir tout seul. Ça m'a toujours fasciné. »
À contrario, vous faites beaucoup d'extérieur avec vos chevaux ?
« Oui, je ne fais que ça, on ne fait que ça quasiment … sauf quand le temps ne le permet pas. Mais même en hiver, nous sommes très souvent dehors. C'est plus agréable pour le cheval et pour nous aussi. Passer ma vie dans un bac à sable moi ça m'agace. Je trouve le temps long. Tandis qu'ici quand on part en extérieur, on a tellement de chemin, de parcours que finalement, on reste 45 minutes sur un cheval et ça les amuse les chevaux, c'est agréable. Je trouve que c'est très vallonné et justement ça apporte beaucoup pour le concours. Faire des montées et des descentes ça leur fait des abdos, ça leur fait la bouche, ça leur donne de l'équilibre et puis des chevaux bien dans leur tête, je trouve que ça leur donne un vrai avantage. »
Même si on trouve de plus en plus de pistes sont en sable et bien plates ?
« Oui oui, il n'y a pas de, ça ne leur apporte que du plus. En tout cas, c'est mon avis. »
Et quand vous partez en extérieur, c'est vraiment du travail ? de la mise en condition ? Qu'est-ce que vous faites ? Comment est-ce que gérez-vous cela ?
« Je ne fais pas le même parcours tous les jours c'est sûr. J'essaie que tous les jours une sortie différenciée de la vieille et après, un cheval qui a besoin de beaucoup travailler la bouche, je fais beaucoup de pas, je vais dans le bois, descendre, monter ça lui fait beaucoup de bien. Au pas il apprend à fonctionner correctement. Après, s'il y a un cheval qui a besoin de galoper à fond, un cheval qui fera plus de carrière enfin j'essaie naturellement de faire comme ça avec un peu de feeling. Et puis pour la condition, il y a les grands champs et quand un cheval qui a une condition, je fais ça sinon y'a tout un parcours jusqu'au village, il y a 7 km à faire, on y va trois jours de suite, au petit trot comme ça ceux qui ont besoin d'être mis en condition avant le gros concours … Pas trop de longe parce qu'après je trouve que les chevaux ils s'emmerdent. Après ça, voilà, on ne saute pas énormément et si on saute, c'est assez bas. L'objectif est avant tout de garder l'intégrité morale et physique des chevaux surtout que c'est du capital. On fait ce qu'il faut pour que les chevaux fonctionnent physiquement mais de là à sauter et mécaniser les chevaux, c'est ce que l'on ne veut vraiment pas. Il est très rare que nous pratiquions des sauts de puce. Ce n'est pas notre façon de faire. »
Mais alors quand vous parlez d'exercices pour qu'ils sautent mieux, à quoi pensez-vous ?
« Je les fais sauter en liberté. Ils aiment beaucoup sauter en liberté. Je mets des combinaisons et par rapport aussi à un cheval qui a du mal à couvrir ou aussi par rapport à une faute qu'il a fait en concours notamment, je mets un dispositif dans le rond en fonction de ce qu'il y a à travailler »
Timon, vous le faites sauter toujours régulièrement en liberté ?
« Non, Timon, non mais les jeunes jusqu'à 7 ans. Cela peut arriver mais c'est rare. Expliquer comme cela, ça a l'air un peu simplet mais c'est notre méthode. »
La dernière partie, c'est ici et demain !