André Chenu fut cavalier de haut niveau tout comme son épouse Annick mais bien qu'ils n'élèvent que quelques produits par an, leur affixe « du Plessis » fait partie des élevages dont la renommée a dépassé de très loin les frontières régionales et même nationales de leur territoire. Ulane, Venus, O'Brion, Flèche, Oncle Pol, Ti Pol sans oublier un certain Paddock du Plessis… autant de noms biens connus des amateurs de sauts d'obstacles. Mais la famille Chenu ne s'est pas contenté de ses produits, ils ont aussi acheté ou investit en partenariat dans de nombreux cracks. Si aujourd'hui, Timon d'Aure permet à Alexis Deroubaix d'éclater au plus haut niveau, il y a quatre ans, la finale tournante reprenait un autre crack qui avait éclos dans leurs écuries : un certain Orient Express ! Elevé par leur ami, Patrice Bourreau qui le confiera ensuite aux Chenu pour sa valorisation, une véritable association d'hommes de chevaux qui aura permis au crack de devenir le cheval que l'on a connu sous la selle de Patrice Delaveau après avoir remporté un titre de champion de France à 6 ans.
Aujourd'hui, l'histoire n'est pas finie car le jeune étalon de 8 ans, Aldo du Plessis marche sur les traces de son père. Encore dans l'ombre de Timon d'Aure, il pourrait prochainement prendre sa relève. Rare fils d'Orient Express, sa mère est une fille de Palestro II, Flore du Plessis qui a elle-même évolué sur 1.50m avec Jérôme Hurel et qui a également produit Près d'ici qui évolue sur le circuit de coupe du monde en Europe de l'est. Sa grand-mère n'est autre que Bourée, l'une des matrones de l'élevage Selle Français qui est à l'origine de très nombreux internationaux. Avec un modèle beaucoup plus imposant que son père et sa taille d'1.72m, il fait la fierté de son éleveur qui le monte encore très régulièrement.
Lorsque vous avez choisi Orient Express comme étalon, il était toujours chez vous ?
André Chenu : « A l'époque, il était toujours à la maison, je l'avais avec Patrice Bourreau son éleveur. Le cheval est arrivé à trois ans et on l'a exploité jusqu'à l'âge de neuf ans. J'ai fait quelques saillies, cinq poulains en fait dont Aldo. »
Qu'est-ce qui vous plaisait chez le père déjà ?
« Orient avait trois ans quand je l'ai vu sauté. J'ai dit de suite que c'était un crack. Il avait beaucoup de frappes, beaucoup de techniques et était très courageux. C'est un taureau. Il l'a prouvé par après car il a toujours été très formidable en épreuves. »
Quand vous l'avez choisi sur la jument, qu'est-ce que vous vouliez ramener?
« Je l'avais mis sur une Palestro x Bourrée qui avait sauté 1,50-55m qui faisait 1,72m, Orient 1,66m. Je me suis dit ça va faire un croisement pas trop grand, pas trop mal et Aldo fait 1,72m. Mais c'est un cheval qui a une très très bonne tête, vraiment pour un étalon, il n'est pas embêtant au concours, il est brave, il est courageux et je pense qu'il a les bons moyens. Il a commencé à faire des 1,50m très très bien. Il n'a que 8 ans, on l'économise. C'est un cheval qui va, je pense, faire des saillies. Nous avons donc décider que nous ne le vendrions pas. »
Il ne sera pas à vendre ?
« Non, non je le garde. C'est mon cheval préféré. »
Qu'est-ce qui fait que justement alors vous avez décidé de vendre son père à un moment donné ?
« Je n'en avais que 33 % du père : tous frais, tout gain ! Patrice Bourreau qui est un ami depuis 30 ans m'a laissé complètement faire mais lorsqu'il a eu 9 ans et il fallait qu'il passe chez un bon cavalier, je n'avais pas un cavalier comme Alexis (ndlr Deroubaix) à l'époque donc fallait qu'il passe un palier. »
Ici pour vous Aldo, c'est un peu votre rêve d'avoir un cheval né au haras qui irait au plus haut niveau ?
« Oui, je pense que c'est un cheval qui va faire de très bonnes épreuves. C'est un cheval très solide et qui a une bonne tête … c'est important. »
C'est le rêve que vous aviez ?
« Oh non, pas spécialement. Vous savez j'ai toujours eu des chevaux de Grand Prix. En fait, quand j'ai vendu Orient Express, un journaliste m'a dit « maintenant, ça y'est vous n'allez plus faire que des jeunes chevaux » et j'ai dit « non, je veux encore avoir des chevaux de grand prix » et aujourd'hui, j'en ai encore un avec Timon d'Aure. »
Pour Aldo, quand vous dites que vous allez doucement, qu'entendez-vous par là ?
« Je ne vais pas l'user. Par exemple, Alexis est parti à La Corogne, on aurait pu lui faire faire 1400 km pour faire des épreuves intermédiaires mais ça ne sert à rien de l'user, il a le temps. »
Du coup, comment est-ce que vous avez géré son début de carrière ?
« Il a fait le parcours classique. À 4 ans, il a fait 14 parcours sur 14 et il finit 8 ème du championnat (ndlr sous la selle de Teddy Thellier). À 5 ans, il a aussi fait Fontainebleau. Il a fait les 6 ans et termine 5 ème du championnat à Fontainebleau. Il a fait toutes les épreuves classiques.Il a aussi fait le Master des étalons et il était second… Mais le problème, c'est qu'actuellement, il ne fait pas trop de juments. Il va en faire 25 cette année je pense. Pour en faire plus, il aurait fallu que je le sorte en Normandie où c'est vraiment le pays d'élevage alors qu'il est allé à l'étranger comme Arezzo, … mais on a le temps … »
L'étalonnage c'est une partie quand même importante pour vous ?
« Non, non, ce n'est pas une partie importante. »
Vous êtes déçu que les gens ne s'y intéressent pas plus que ça ?
« Non je ne suis pas déçu. Les gens disent parfois qu' ils le trouvent un petit peu lourd mais c'un cheval qui a beaucoup d'influx. Il est souvent mieux le troisième jour. »
Vous le trouvez lourd aussi ?
« J'aurais aimé l'avoir un tout petit peu plus léger mais il est fait en père. Si on met des étalons d'1 m 64 fait comme des pur-sang, il va falloir des pygmées pour les monter (rire). »
Et par rapport à Orient, comment est-ce que vous le voyez ?
Par rapport à Orient, je pense qu'il a autant de moyens. Peut-être qu' il est un peu plus lourd qu'Orient mais Orient c'est un phénomène et il l'a prouvé. »
Pour vous, Orient c'est LE cheval que vous avez eu dans votre carrière ?
« Non, j'ai eu d'autres bons chevaux … il y a longtemps. J'ai eu Impédoumi ainsi que Krishna qui étaient des cracks. Impédoumi a fait les Jeux Olympiques et Krishna était une super crack aussi… j'en ai eu quelques-uns quand même. »
On compare chaque fois ça quand on a des jeunes qui arrivent ?
« Oui, tout à fait. Là, j'ai une grande confiance dans une jeune de 6 ans, la demi-s?ur d'Aldo qui est une fille de Padock du Plessis. J'ai aussi un 7 ans par Kashmir que j'ai acheté de moitié avec Monsieur Busseron qui s'annonce très très bien. Il a des moyens, beaucoup de sang. À l'heure actuelle, quand on a une écurie, il faut essayer de viser le haut niveau, parce que si vous faites des 130-135 : vous crevez de faim. C'est la triste réalité ... à moins de faire beaucoup de commerce. »
Pour son cavalier Alexis Deroubaix, il représente aussi son plus grand espoir pour continuer le plus haut niveau dans les prochaines années.
Donc vous vous l'avez commencé quand il avait 5 ans ?
Alexis Deroubaix : « C'était à la fin de son année de 5 ans. Dès que j'ai commencé à le monter, j'ai toujours aimé beaucoup ce cheval. Après il a fait son cursus de six ans, il a fait 20 parcours sur 23 je crois et cinquième du championnat. À la maison, il a toujours sauté comme un vrai crack. À 6 ans, il était un peu timide, très soucieux de la barre, il était très guerrier du coup, j'essayais de l'endormir entre les barres ce qui pouvait laisser penser qu'il était un peu lourd et sans étincelle sauf que c'était le contraire. Il sautait juste ce qu'il fallait, sans faire de spectacle … mais sans toucher non plus ! Puis, à 7 ans, j'ai continué dans la même voie mais il a progressé. Puis, c'est cette année vraiment où j'ai eu le plus de disponibilité. Du coup, je peux me permettre de mettre du galop, j'ose galoper sur la piste et il se montre vraiment comme il a toujours été ici. Les gens commencent à bien l'aimer alors qu'avant non … mais ce cheval-là, j'y crois énormément. C'est un étalon très sérieux. C'est une machine à sauter, il se prépare à son boulot, il possède une très bonne technique devant et je ne l'ai jamais senti forcer. Il a des moyens énormes et il est très respectueux. Voilà c'est une peu un cheval de coeur parce qu'il est tous les jours pareil. Il ne change pas d'humeur, il est fénéant à la maison mais quand il va au concours, ça ne se voit pas mais il est très sensible et très guerrier. »
Comment voyez-vous la suite ?
« On le juge énormément sur les terrains de concours. Je pense que l'année prochaine, on peut espérer de belle choses. On y va tranquillement, il a 8 ans. Aujourd'hui, il a sauté quelques épreuves 150 après avoir effectué beaucoup de sans-faute en épreuve 145. En début d'année, il était 4 ème du Grand Prix deux étoiles du Mans mais souvent, il fait des petits classements mais je ne cherche pas à aller vite pour le moment … mais je pense que sa progression va aller vite. »
C'est difficile justement, parfois on est tenté de vouloir le mettre sur plus gros ?
« Je pense qu'il va se promener sur 1 m 55 maisil n'a que 8 ans ! Avec Timon, on avait fait pareil. Il était tellement bien mais on n'a jamais fait faire 1 m 50 à Timon à 8 ans pourtant il avait gagné une paire de grands prix 145 et on n'a jamais sauté 1 m 50. Notre idée était de lui donner l'envie de se donner. Je pense que si on va trop vite avec des chevaux qui sont plein de moyens même si ça dépend aussi du cursus de jeunes chevaux qu'ils ont reçu, si ils sont bien dressés mais il leur faut de toute façon du métier et quelques années de concours. Je pense que si on va trop vite, on donne, on tire un peu dans le capital. Il faut que le cheval aie envie de se donner avec le respect. Je pense que si on va trop vite à 10 ans ça devient des chevaux sans tempérament, un peu veule, et puis un peu « touchoteur ». Il faut qu'ils sortent avec l'étincelle, c'est pour ça qu'on ne sort pas énorme mais on aime bien que ça brille un peu, que les chevaux soient pas routiniers sur les barres. »
Vous comprenez que le cheval ne fasse pas plus de saillie que ça ?
« Oui … mais je pense que ça va venir. Là, il commence à sortir et courir gentiment. Une fois qu'il fera 1 m 50 l'année prochaine, cela va commencer à bouger. Ici il le fait correctement déjà et les gens ont changé d'avis je trouve … mais bon, la saison de monte est finie. Lors des derniers concours qu'il a fait, beaucoup de gens sont venu me dire : « tu sais « on ne le pensait pas comme ça », nous on a toujours su qu'il était formidable. Puis déjà, il a toujours fait du sans faute contrairement à beaucoup de chevaux dont on entend « c'est des cracks et tout ça »… mais ils ne font pas de sans faute… En général, il ne faut pas raconter la messe quand les choses sont faites comme lui déjà c'est la meilleure des qualités. Le respect est là et après, il saute tout ce qu'on lui propose de sauter. »