Willem Greve, Henrik von Eckermann, Maikel van der Vleuten et Philipp Weishaupt, remplaçants de Steve Guerdat et Christian Kukuk, qui n’ont pu honorer le concours néerlandais de leur présence cette année, se sont retrouvés jeudi soir pour faire revivre le passé. À Bois-le-Duc, théâtre de la première étape du Rolex Grand Chelem de saut d’obstacles de l’année, les quatre pilotes se sont affrontés lors de la sobrement baptisée épreuve des champions, inspirée de la disparue finale à quatre, qui concluait traditionnellement les Jeux équestres mondiaux de saut d’obstacles. Après avoir échangé leurs montures pour quatre parcours, les quatre stars de la soirée ont disputé un barrage, qui a donné Willem Greve vainqueur, devant Philipp Weishaupt, Henrik von Eckermann et Maikel van der Vleuten.
Techniquement intéressante, tout en étant accessible et bon enfant, l’épreuve “des champions”, un remake de feu la traditionnelle finale à quatre des championnats du monde, a conclu la première des quatre journées de compétitions internationales à Bois-le-Duc, jeudi 13 mars. Dans une salle quasi-comble, Willem Greve s’est distingué, venant à bout de Philipp Weishaupt et d’Henrik von Eckermann au barrage.
Dans cette compétition unique en son genre, chacun des quatre cavaliers retenus pour faire le show avait engagé une monture, puis en a passé les rênes à ses homologues au fil de quatre rotations, toutes commentées et décryptées par les champions Harrie Smolders et Jeroen Dubbeldam, qui donnaient tour à tour leurs impressions puis la parole aux acteurs de la soirée. Le numéro un mondial, Henrik von Eckermann, de retour de Floride pour l’étape du Rolex Grand Slam de saut d’obstacles, avait, sur le papier, le plus de chances de l’emporter. Le Suédois misait, en effet, sur Calizi. La grise de douze ans était non seulement la plus expérimentée, mais aussi la plus délicate à monter. Si Maikel van der Vleuten a essuyé huit points aux commandes de la fille Cellestial, sortant de la course au barrage, Willem Greve et Philipp Weishaupt ont fièrement tenu leur rang et réussi à trouver un terrain d’entente, en quelques minutes, avec elle. Pourtant mal engagé après avoir concédé une faute d’entrée avec sa propre jument, la jeune Hadewyn van’t Ravennest, une fille de Comme Il Faut, qui a par ailleurs péché sur le vertical numéro sept défendu par une palanque aux côtés de Philipp Weishaupt puis Henrik von Eckermann, Willem Greve, champion national en titre, a finalement raflé la mise après un bon barrage, couru sans prendre de risque inutile mais suffisamment rapidement pour devancer ses poursuivants.
“Je crois qu’il n’y a que des points positifs à cette soirée. Certes, j’ai gagné, mais il en aurait été de même si j’avais terminé quatrième”, a réagi un Willem Greve dithyrambique. “Cette épreuve a été une publicité remarquable pour notre incroyable sport. Nous avons vu des hommes de chevaux, des collègues, et un public attentif. Harrie et Jeroen ont fait un travail formidable. Ils ont communiqué des informations et ont expliqué les choses de façon à ce que non seulement les professionnels comprennent, mais aussi et surtout les gens chez eux, dans leur salon. J’espère que cela leur a permis de s’intéresser davantage à notre sport et de se rendre compte à quel point il est à la fois beau et difficile. Il y avait quatre super chevaux et cavaliers ce soir.”
“Je savais que Calizi était chaude, mais elle l’est vraiment beaucoup !”, Willem Greve
Après avoir effectué son premier parcours aux rênes d’Hadewyn van’t Ravennest, Willem Greve a posé sa selle sur le dos de Lalique, Calizi puis Cupido. La première est née de l’union entre Berlin et Unique, une fille de Parmala Douche, ancienne bonne complice de Maikel van der Vleuten, qui a d’ailleurs fait naître sa petite-fille, en association avec l’élevage Duysel’s Hof. La baie, seulement âgée de neuf ans, a aligné quatre prestations parfaites, peu importe le cavalier qui la guidait. “J’ai trouvé la jument de Maikel très facile. Je n’avais vu que le parcours de Maikel avant de la monter. J’ai donc essayé de garder les choses aussi simples que possible avec elle, en faisait confiance à sa qualité”, analyse Willem Greve, qui s’est ensuite attelé à un tout autre défi avec Calizi, qui venait de commettre deux fautes dans la deuxième des quatre rotations, avec son compatriote Maikel van der Vleuten.
“Calizi est très sensible. La moindre pression, appliquée au mauvais moment, la fait partir en avant. Elle a tellement de puissance ! Même si on ne perçoit pas forcément les actions de Maikel, cela suffit pour commettre une faute”, commentait en direct Henrik von Eckermann, avant de voir sa complice s’élancer sur son troisième parcours. “Willem a parfaitement monté Calizi. Il a ajouté une foulée dans la première ligne afin de la garder avec lui. Et comme je l’avais dit, Calizi s’apaise au fur et à mesure des parcours”, a ajouté le numéro un mondial. Et Willem de réagir : “Calizi était un défi ! On sent son incroyable motivation et détermination. Je savais qu’elle était chaude, mais elle l’est vraiment beaucoup ! (rires) J’ai essayé de ressentir comment elle répondait à mes demandes à la détente, et j’ai vu comment Henrik et Maikel avaient appréhendé leur parcours avec elle. J’ai fait confiance à mon instinct et j’ai essayé de la monter comme elle aime l’être.”
Dernier complice d’un soir pour Willem : le très plaisant Cupido 130, qu’avait engagé Philipp Weishaupt… sans jamais l’avoir monté au préalable sur la scène internationale ! Le surpuissant alezan s’est très largement distingué, par son style, sa gentillesse et sa régularité. Des trois chevaux à avoir disputé quatre parcours et le barrage, il est le seul à afficher un taux de sans-faute de… cent pourcents ! “Cupido est très respectueux. Il n’a jamais vu une piste indoor comme celle-ci, avec autant de monde. Henrik a monté son père, Calmando, et j’ai concouru jusqu’à 1,50m avec sa mère, Sundari (propre sœur des étalons Satisfaction I, II et III, ndlr). C’est un cheval très spécial pour nous, qui a été élevé par sa propriétaire, Madeleine Winter-Schulze. Je suis sûr qu’elle est fière de lui et nous sommes tous ravis de lui aujourd’hui”, s’est réjoui Philipp Weishaupt, qui a vu son alezan répéter les parcours parfaits les uns après les autres. “Le cheval de Philipp est grand. On s’attend à ce qu’il soit un peu mono-vitesse, un peu lent et on n'imagine pas qu’il ait des réflexes aussi rapides ! Il est très respectueux et très agréable”, a complété le gagnant du jour, qui a également eu le plaisir de voir sa complice d’origine signer un très bon parcours sous la selle de Maikel van der Vleuten, avant de s’imposer au barrage. “Le parcours était très bien, très juste pour les chevaux. Je pense qu’ils ont d’ailleurs beaucoup appris au cours de cette soirée”, a conclu le Néerlandais, qui a profité d’un tour d’honneur bien mérité face à son public.
Une formule à perfectionner
Sans compter le barrage, chaque cheval aura effectué une cinquantaine de sauts en piste au cours de la soirée, contre une trentaine, hors barrage, pour un Grand Prix comme celui d’Aix-la-Chapelle, où les efforts et la distance parcourue restent supérieurs. Cela étant, les raisons, ou du moins une partie, ayant conduit à la fin de cette finale dite tournante, n’ont pas été éludées. En dehors du nombre de sauts un peu élevé pour une soirée, mais qui, sur un week-end - et dans l’hypothèse où ces quatre montures ne disputeraient pas d’épreuve supplémentaire - entrerait dans la moyenne, le seul changement de selles constitue une interrogation légitime. Alors que celles-ci devraient être adaptées aux chevaux avant de l’être aux cavaliers, ce sont ces derniers qui ont conservé leur matériel pour quelques minutes seulement… quelques minutes qui peuvent toutefois gêner les chevaux de façon tout sauf anodine. On regrettera aussi l’absence de traduction des réactions, à chaud, des cavaliers bataves. Même si la grande majorité du public était, évidemment, néerlandophone, quelques explications données en anglais, langue la plus parlée dans le monde, n’aurait pas été de refus, d’autant que les deux excellents animateurs de la soirée la maîtrisent parfaitement.
Si tout est toujours perfectible, il n’en reste pas moins que cette épreuve singulière aura eu le mérite de faire revivre une partie du passé, de sortir des sentiers battus et d’offrir une très belle première soirée aux nombreux spectateurs déjà présents au Dutch Masters.
Photo à la Une : Willem Greve a su dompter le tempérament de feu de Calizi. © Mélina Massias